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vendredi, 10 juin 2005

Joséphin Soulary (1815 - 1891)

medium_soulary.jpgJoséphin Soulary a été l’un des poètes reconnus et célèbres du 19e siècle. Baudelaire et Sainte-Beuve l’appréciaient et lui ont consacré des études élogieuses. Né à Lyon, Croix-Roussien et contemporain de Pierre Dupont, il est aujourd’hui injustement oublié.
Après des années de jeunesse difficiles, Joséphin Soulary devient en 1840 chef de cabinet du préfet Jaÿr, puis chef de division à la préfecture du Rhône. Il termine sa carrière comme conservateur de la Bibliothèque municipale. N’ayant jamais cessé d’écrire, il connaît sa consécration littéraire en 1859 avec les Sonnets Humouristiques, parus chez Perrin. Auteur d’une œuvre importante, Soulary s’est surtout illustré dans l’art du sonnet, dans lequel il était passé maître. On l’a comparé en son temps à Théophile Gautier et Leconte de Lisle. Au-delà du classicisme impeccable de la forme, de nombreux poèmes de cet auteur séduisent encore le lecteur contemporain par leur originalité, leur force d’émotion et un humour, parfois mélancolique et désenchanté, qui les rendent très actuels.
Ses Oeuvres poétiques ont été rassemblées en 3 volumes chez Lemerre (1887).


*

SONNET DE DECEMBRE

L’hiver est là. L’oiseau meurt de faim; l’homme gèle.
Passe pour l’homme encor ; mais l’oiseau, c’est pitié !
Dans un bouquin rongé des rats plus qu’à moitié
j’ai lu qu’il paie aussi la faute originelle.

La bise a mangé l’air, durci le sol, lié
Les ruisseaux. - Temps propice aux heureux ! La flanelle
Les couvre ; au coin du feu le festin les appelle.
Mais les autres ?.. Sans doute ils auront mal prié !

Le soleil disparaît sous la brume glacée ;
C’est l’acteur des beaux jours qui, la toile baissée,
Prépare sa rentrée au prochain renouveau ;

et, tandis qu’on grelotte, il vient, par intervalle,
regarder plaisamment, l’oeil au trou du rideau,
La grimace que fait son public dans la salle.

in La chasse aux mouches d’or


*

UNE GRANDE DOULEUR

Comme il vient de porter sa pauvre femme en terre,
Et qu’on est d’humeur noire un jour d’enterrement,
Il entre au cabaret ; car la tristesse altère,
Et les morts sont bien morts ! - c’est là son sentiment.

Il se prouve en buvant que la vie est sévère ;
Et, vu que tout bonheur ne dure qu’un moment,
Il regarde finir mélancoliquement
Le tabac dans sa pipe et le vin dans son verre.

Deux voisins ses amis sont là-bas chuchotant
Qu’il ne survivra pas à la défunte, en tant
Qu’elle était au travail aussi brave que quatre.

Et lui songe, les yeux d’une larme rougis,
Qu’il va rentrer ce soir, ivre-mort, au logis,
Bien chagrin - de n’y plus trouver personne à battre.

in Les diables bleus


*

SUB SOLE QUID NOVI ?

Sous mes yeux vainement tout se métamorphose,
L’enfance en la vieillesse, et le jour en la nuit ;
Dans ce travail muet qui crée et qui détruit,
C’est toujours même loi, même effet, même cause.

Aujourd’hui vaut hier. Comme un collier morose
L’Ennui soude le jour qui passe au jour qui suit ;
Et l’immobile Dieu gouverne ce circuit,
Où l’acteur machinal quitte et prend même pose.

Sur le rayon de l’heure et dans le bruit des jours,
La vie a beau tourner, rien ne change son cours ;
Le pendule uniforme au front du Temps oscille.

N’est-il donc nulle part un monde où l’inconnu
Déconcerte l’attente, où, sur le cadran nu,
La Fantaisie en fleur fasse la folle aiguille ?

in Papillons noirs

 

 

Voir aussi :

Joséphin Soulary (2) : introduction de l'ouvrage

Joséphin Soulary (3) : une oeuvre à redécouvrir

Joséphin Soulary (4) : petite anthologie