mercredi, 23 septembre 2020
Aux grands jours, de Christian Cottet-Emard
Quand on publie de la poésie depuis plus de trente ans, la tentation est grande de faire un retour sur ses débuts et de chercher à comprendre le chemin de son évolution personnelle jusqu'aux plus récentes œuvres. Des questions se posent inévitablement : ces textes anciens sont-ils encore valables, encore lisibles ? Pour ceux qui résistent à un examen critique, ne méritent-ils pas d'être corrigés, voire réécrits ? Est-il bon de les rééditer ?
Toutes ces interrogations, Christian Cottet-Emard les a faites siennes, et s'est finalement décidé à republier ses recueils passés. Comme s'il voulait mettre de l'ordre dans ses papiers. Pour solde de tout compte. En choisissant une voie médiane : ne pas republier en l'état d'origine, ne pas tout réécrire, mais corriger. En veillant à ce que les modifications apportées ne nuisent pas à l'élan vital originel.
Pari réussi. Cinq recueils parus entre 1992 et 2004 sont ici regroupés, par ordre chronologique. : Le passant du grand large, L'alerte joyeuse, La jeune fille, Le monde lisible, Le pétrin de la foudre. Suivent quelques textes ajoutés en fin de volume.
Malgré l'ancienneté de leur conception, tous ces textes témoignent déjà d'une grande maîtrise dans l'écriture, et surtout, ils permettent de mesurer l'évolution, tant dans l'inspiration que dans la forme du vers employé, depuis les premiers textes où se devine parfois l'influence de René Char jusqu'aux derniers plus personnels, plus originaux et aboutis, plus amples, comme dans cet extrait du Monde lisible :
« La flaque d'eau toujours à la même place sur la route forestière où attend la vieille voiture n'est ni le miroir ni le contraire du monde, juste une facette de ce diamant qu'on appelle la Terre. ».
Deux textes rajoutés sont d'une grande originalité : La jeune fille aux sandales de sable et L'île des libellules transparentes sont des œuvres de quatre pages dont l'écriture se situe entre prose et vers, racontant une histoire en versets, toute de mystère et de délicatesse. On a l'impression de découvrir un nouveau genre littéraire.
Le recueil lu, une question se pose : pourquoi cet auteur de romans (Le club des pantouflards, Le grand Variable), de nouvelles (Mariage d'automne), de chroniques (Tu écris toujours ?, Prairie Journal), pourquoi un aussi bon poète que Cottet-Emard ne publie-t-il pas chez un éditeur, préférant délibérément l'autoédition ?
La réponse est dans la préface de son dernier recueil :
« Je suis de moins en moins tenté de soumettre un cycle de poèmes aux éditeurs de poésie même si publier à certaines enseignes me serait évidemment agréable. Quant à la satisfaction très compréhensible de voir enfin exister le ou les poèmes en un livre imprimé, je n'ai pas besoin de déranger un éditeur pour y accéder, car les récents et fulgurants progrès dans l'art d'imprimer à tirage limité la rendent immédiatement possible et pour le plus modique des coûts. En raison des tirages restreints et de la faible diffusion de la poésie, un poète peut aujourd'hui raisonnablement se poser la question de savoir si un éditeur de poésie est capable de lui assurer un lectorat plus nombreux que celui qu'il pourrait toucher en s'éditant lui-même, toute considération de prestige et d'image de marque liée à une enseigne évidemment mise à part. »
Voilà des propos susceptibles de lancer un vaste débat sur l'autoédition...
20:32 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : aux grands jours, christian cottet-emard, poésie
Commentaires
Merci beaucoup, Jean-Jacques, de cet article pertinent, comme toujours, sur mes écrits. C'est courageux car il est souvent mal vu de dire du bien d'un livre ainsi publié. Je tenais à faire cette expérience pour la première fois et cet ensemble constitué de plusieurs recueils précédemment parus en éditions quasiment hors commerce et désormais introuvables me paraissait idéal pour tester les services d'Amazon que je trouve excellents. Pour ma part, je ne considère pas le recours à ce système comme une auto-édition puisque, en tant qu'auteur, je délègue tout à Amazon alors que dans une auto-édition, l'auteur prend absolument tout en charge (impression, diffusion, publicité et distribution). Dans ces tâches rebutantes, Amazon met à disposition une logistique et des moyens bien supérieurs à ceux d'un petit éditeur voire parfois d'un grand. Et pour ceux, mal informés, qui confondent cela avec du compte d'auteur, il faut répéter qu'il n'y a aucun investissement financier. Loin de moi l'idée de dénigrer le travail des éditeurs classiques, petits ou grands. Ces deux modes d'édition sont à mes yeux complémentaires et je trouve tout à fait dommageable et improductif de les opposer ainsi que certains s'en font une spécialité sur la base d'arguments idéologiques et faussement vertueux. Pour l'instant, les premiers résultats m'encouragent à poursuivre dans cette voie, dans un premier temps essentiellement pour la poésie, mais je ne m'interdis pas de publier plus tard de la fiction par le même canal, surtout en sachant qu'il arrive de plus en plus aux éditeurs classiques d'aller discrètement faire leur marché sur Amazon... Merci encore, Jean-Jacques, d'avoir ignoré les préjugés. On reconnaît là les vrais amis !
Écrit par : Christian Cottet-Emard | vendredi, 25 septembre 2020
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