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mercredi, 25 janvier 2006

La littérature personnelle en ligne

Tel est le thème d'une rencontre-débat avec Philippe Lejeune et Bernard Massip, sur le phénomène des blogs et des journaux sur Internet, à la Bibliothèque municipale de Lyon, Espace Multimedia, vendredi 27 janvier à 17 heures (entrée libre).

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Philippe Lejeune est universitaire, spécialiste de l'écriture autobiographique. A travers son site Autopacte, il étudie l'influence des nouvelles technologies sur l'écriture personnelle.

Bernard Massip est webmaster de l'APA, Association pour l'Autobiographie.

samedi, 21 janvier 2006

L'année de la revue

medium_lpl-couv-no2bis.jpg2006 devrait être pour moi l’année de la revue ! En espérant que je ne vais pas « être de la revue »…

 

Dans La presse Littéraire n° 2 qui vient de paraître en kiosques, je commence une chronique en feuilleton « Revue de détail », consacrée aux revues littéraires. L’idée que j’ai défendue auprès de Joseph Vebret est un projet de chronique qui ne serait pas une simple recension ou un survol rapide, comme on peut en lire dans Le Magazine littéraire, mais un véritable espace de présentation et de critique détaillée des revues. Actuellement, de telles chroniques sont plutôt absentes de la presse littéraire et culturelle, à l’exception du Matricule des Anges, magazine qui consacre depuis l’origine une à deux pages aux périodiques, mais son choix subjectif ne couvre qu’une partie de l’éventail des revues.

Par ailleurs, je travaille à la deuxième édition de mon guide La revue, mode d’emploi, précédemment paru en 1999 au Calcre, et qui devrait être republié dans les prochains mois aux éditions de L’Oie plate. Une nouvelle édition actualisée, revue et augmentée pour tenir compte des changements intervenus dans la réglementation et surtout de la nouvelle donne issue de l’Internet. Si la révolution annoncée de l’édition électronique n’a pas véritablement eu lieu, le livre étant resté indétrônable, en revanche, de nombreuses revues « en ligne » se sont créées, offrant de nouveaux espaces aux créateurs, et des revues papier ont compris tout l’intérêt qui s’attache à compléter leur support traditionnel par un site, un blog ou une newsletter, augmentant ainsi leur visibilité.

La chronique Revue de détail sera régulièrement mise en ligne sur ce blog, lorsque les numéros correspondants de La presse Littéraire ne seront plus disponibles en kiosques.

mardi, 17 janvier 2006

Le nom (extrait 2)

Un nouvel article critique sur le roman Le nom, dans un numéro récent de la revue Hauteurs et sous la signature de Gilbert Millet, m’incite à mettre en ligne un deuxième extrait de ce bref récit, publié l’an dernier aux éditions A contrario.

Le passage se situe après que le personnage central du roman, un écrivain, a trouvé son inspiration définitive dans l’écriture de son propre nom, recommencé sans cesse.

 

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Pendant près de deux heures il ne trouva rien d’autre à écrire que le nom. Il ne trouva rien de mieux. Sans précipitation mais sans hésitation, il le traçait avec un plaisir égal et constant, renouvelé, un plaisir sans mélange, sans arrière-pensée, sans cette ombre perpétuelle du doute et de l’insatisfaction qui plombe le travail de l’écrivain. Un plaisir qu’il n’avait que très rarement éprouvé jusqu’alors, sauf - le souvenir lui revint d’un coup - en écrivant un nombre dans le corps d’un texte.

L’écriture des nombres avait toujours été un plaisir intense, une authentique jouissance, un moment isolé et trop bref de délice au cœur des affres de la création littéraire. Il aurait aimé le prolonger. Si cela avait été possible (et de nature à constituer une œuvre), il aurait voulu n’écrire que des nombres, des suites immenses et recommencées de nombres en recopiant d’interminables additions, la litanie des tables de multiplication, des logarithmes, des fractions aux numérateurs et aux dénominateurs gigantesques, ou une division poussée très loin, sept chiffres après la virgule. Depuis l’enfance les nombres le fascinaient, et singulièrement les nombres écrits en toutes lettres - qu’il aimait à voir se développer sur une ou plusieurs lignes. La différence de traitement d’un nombre, entre le raccourci du chiffre et la longue écriture littérale, l’écart entre ses deux versions, se révélait vertigineuse et le ravissait toujours. Ainsi, pour donner l’exemple d’une date, passer de 27.11.1997 (en chiffres) à vingt-sept novembre mille neuf cent quatre-vingt dix sept (en lettres), passer de huit chiffres à quarante-huit lettres, sans compter les espaces et les traits d’union lesquels, si on les incluait dans le calcul, porteraient la date écrite à cinquante-sept signes, contre dix seulement pour la date chiffrée en ajoutant les deux points intermédiaires, soit un rapport de un à cinq virgule sept entre les deux versions de la même date, une telle transformation donnait l’impression, pour prendre une image empruntée au vocabulaire informatique, de passer d’un fichier compressé à un fichier décompressé.

Le plaisir de l’auteur avait une autre cause que le pur déroulé des lettres. Les nombres étaient parfaits et définitifs. (Il est plus facile de trouver le nombre juste que le mot juste, il suffit de savoir compter). Une fois choisis et retenus, ils n’étaient plus susceptibles d’amélioration. On n’allait pas revenir sur eux, comme on revient sans cesse sur le style, cent fois sur le métier remettant l’ouvrage de la phrase, dans un sentiment de souffrance, de découragement et d’échec. Il pouvait donc écrire les nombres lentement, mais sûrement, pour la première et dernière fois, dans la certitude tranquille et installée qu’il n’aurait plus à les corriger. Il en avait fini avec eux. Dans sa littérature en perpétuel chantier, mouvante comme la mer recommencée, les nombres représentaient des îlots de perfection, des barrières de récifs, des bribes de texte achevé. Dans les moments de doute il se raccrochait à eux.

De la même façon, le nom, ce mot inventé la veille et repris déjà plusieurs centaines de fois dans son cahier, lui paraissait définitif. Lui non plus n’était pas susceptible d’amélioration. Des siècles avaient été nécessaires pour parvenir à sa forme définitive et le garder jusqu’à nos jours, une chaîne ininterrompue, des générations et des générations, des vies et des morts innombrables d’ancêtres qui s’étaient transmis précieusement le nom, comme un coureur de relais qui passe le témoin, qui avaient su le conserver, le véhiculer, préserver ce trésor immatériel qui excédait leurs courtes et fragiles existences. Le nom était l’œuvre du temps. Le fruit d’un travail collectif, d’une sédimentation lente de la langue, après les glissements graphiques et phonétiques du Moyen Age, un mot enfin stabilisé, statufié. Tout le reste n’était que littérature : approximation, bavardage. Hésitation, mode, confusion. Insatisfaction. Le nom était la solution. Quelle œuvre plus achevée pourrait-il écrire que l’énoncé de ce nom ? Pourquoi ne pas réduire son œuvre à ce nom ? (le mot réduire n’ayant dans l’esprit de l’auteur rien de réducteur). A sa profération, sa scansion, sa prolifération. Maintenant qu’il en avait fait un nom commun, par l’oubli approprié de sa majuscule, il pouvait le reproduire, et même en nombre, et même à l’infini, car les choses communes sont infinies. Comme les fleurs, les feuilles, les fruits. L’herbe. Les insectes. Les poissons dans les eaux. Les oiseaux dans le ciel. Les bêtes sauvages et les reptiles. Les arbres dans les forêts. Comme les grains de sable et les étoiles. Son œuvre ne connaîtrait pas de limite. Et sa gloire non plus.

 

mercredi, 11 janvier 2006

Rencontre avec Sabine Wespieser

Sur le site de Calou, l'ivre de lecture, une passionnante rencontre avec l'éditrice Sabine Wespieser. On y apprend tout sur le métier d'éditeur, depuis les choix littéraires jusqu'aux contraintes économiques. Pour les auteurs, cette interview est une mine d'informations et d'enseignements, une occasion de lucidité.

lundi, 02 janvier 2006

De la dangerosité de la fonction de critique

(En hommage à l’ami Christian Cottet-Emard, cette anecdote qui pourrait alimenter son feuilleton « Tu écris toujours ? »)

 

Si l'aventure est paraît-il au coin de la rue, le danger peut naître de l’activité en apparence la plus casanière et la plus minuscule qui soit : la critique littéraire, et en l’occurrence, revuistique.
Ayant rédigé pendant plusieurs années des articles critiques, essentiellement sur les revues littéraires dans le magazine Ecrire & Editer, je pratiquais une sorte de « critique objective » ; je rendais compte d’abord des revues par leur extérieur et leurs caractéristiques formelles : format, nombre de pages, prix, périodicité, nombre et qualité des illustrations, couleurs d’impression, qualité de la typographie, qualité du papier et de la couverture, répartition et importance des composantes du contenu, et j’en tirais des conclusions. Je commençais toujours mes recensions avec un double-décimètre à la main, notant soigneusement la largeur, la hauteur, l’épaisseur du dos carré. Puis je passais au fond, avec une franchise et parfois une violence verbale qui m’ont valu bien des déboires.
Dans Ecrire & Editer, je n’ai pas manqué d’être sévère dans mes jugements et de blesser les autres. C’est la règle du jeu, à laquelle en tant que créateur je n’échappe pas : mes œuvres littéraires publiées n’ont pas recueilli que des échos favorables, et ce présent blog m’a valu bien des reproches, tant sur son projet que sur les idées exprimées. Il faut savoir accepter la critique négative, même si elle nous apparaît injuste, même si elle nous blesse, car elle fait partie de la vie, comme les divergences d’opinions et de goûts. Faire l’unanimité sur son œuvre est un rêve de malade mental ou d’orgueil sans bornes. Il me revient en mémoire à ce propos un incident particulièrement notable et révélateur – une agression - qui se produisit lors d’un Salon de la Revue, à l’Espace des Blancs-Manteaux, à Paris. Je me trouvais sur le stand de Salmigondis, discutant avec les responsables du magazine, qui jouxtait la table de la revue Trouduc (je change le nom de la revue – mais pas son esprit ! – pour limiter les polémiques.) Soudain, le responsable de cette dernière revue se tourna vers moi, blême et tremblant de rage rentrée :
- Vous êtes Jean-Jacques Nuel ?
Je ne pus qu’acquiescer, la réponse étant évidente, et m’attendant à tout, même au pire. Et le pire arriva.
- Vous avez écrit dans Ecrire & Editer un article sur notre revue, qui est la seule critique négative que nous ayons eue !
- Ah bon. Et alors ?
- Vous avez écrit que le lecteur se trouve devant notre revue « comme une poule devant un couteau » ! Je ne connaissais pas le sens de cette expression, je l’ai vérifiée, c’est un jugement très négatif, le seul de notre dossier de presse !
Etonné d’abord qu’un individu apparemment si content de lui-même ignore le sens d’une expression courante, je me remémorais cet article, en me disant que cette expression convenait bien à ce j’avais éprouvé et continuais de penser. J’entrepris de me justifier, de lui dire que pour moi, un objet littéraire (roman, recueil ou revue) doit être porteur de sens, et que tout en reconnaissant la grande qualité de réalisation de Trouduc, je ne comprenais pas le sens de leur projet, dont l’originalité ne suffisait pas à me satisfaire. L’échange en resta là, le prolonger eût été dialogue de sourds, et nous restâmes, lui avec sa colère d’avoir eu une critique moins positive au milieu d’un concert impressionnant de louanges, moi avec ma perplexité devant la susceptibilité de certains membres du milieu littéraire.
Intrigué par cet incident, j’ai relu depuis l’article incriminé, et n’y ai pas trouvé de quoi, comme on dit, fouetter un chat.