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jeudi, 03 février 2005

Une plaine ponctuée de corbeaux

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Le texte Les corbeaux* a été mis en ligne hier sur le site littéraire Pleutil, beau réservoir anthologique dans lequel figurent déjà plusieurs de mes nouvelles.
Les corbeaux est le chapitre introducteur d’une suite inachevée de chroniques à peine romancées sur mes années d’enfance et d’adolescence (autour de 1968), le lieu principal de divagation du jeune Jacques étant la plaine des Chères – espace désolé et véritablement « déconstruit », auquel je consacre sur ce blog un album photos périodiquement augmenté.
Je me suis souvent demandé comment cette zone, qui dans ma prime enfance appartenait à la campagne pure (bois, haies, champs, rivière sinueuse et ombragée, chemins creux…) et que j’ai vue progressivement et méthodiquement ravagée par le « modernisme » (élargissement de la route nationale 6, abattage des platanes, percement de l’autoroute A6, remembrement rural, tracé de chemins et de fossés rectilignes, rectification du lit de la rivière L’Azergues, ouverture et exploitation de carrières de gravier, création d’un relais autoroutier, etc.), avait pu conserver une pulsation de vie, une sorte d’âme qui résiste.
Un paysage rayé de la carte, mais la surface de la carte, mise à nu, frémit encore. Le vent traverse la plaine des Chères, courbant les herbes folles et les arbrisseaux qui ont repoussé spontanément. Une nature violentée, terrassée (les engins mécaniques jaunes, géants, du terrassement), anéantie, garde une sorte de patience des siècles antérieurs, une mémoire minérale, végétale, et d’une ancienne humanité : elle attend le moment – hors peut-être du temps des hommes – de reprendre ses droits.

* Ce texte a été publié dans la revue L’instant du monde n° 2 (septembre 2002), animée par Raymond Alcovère.