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mardi, 28 juin 2005

La Soeur de l'Ange n°3

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Une revue monstrueuse, comme dit Juan Asensio, en ce qu'elle est hors normes, et d'abord, hors format : 400 pages en petits caractères. Avant d'y revenir, une fois pris le temps de la lire, une première idée de cet objet par le simple énoncé du sommaire du numéro 3, montrant sa richesse et sa variété :

La Sœur de l’Ange - SOMMAIRE du numéro 3 - juin 2005

Ouverture

Image de la pensée du n°3 : Bernard Stiegler
Editorial : Jean Paulhan Didier Bazy
Antonio Carvajal « Rouen, 2004 »
Claude Mourthé « Jouissif »

Dossier : à quoi bon mourir ?

François Richard « Négatives »
Michel Host « Fragments de pensées de l’impensable »
Alain Jugnon « Faire le mort, une simple vie humaine contre dieu et tous les saints »
Bertrand Vergely « Penser la mort »
André Klarsfeld « L’immortalité biologique : luxe inutile, excès nuisible ou impossibilité matérielle ? »
Patrick Laude « Nigra sum sed formosa : Mort et vie spirituelle chez Frithjof Schuon »
Bruno Doucey « Corps beau – corps bot : le bestiaire obsessionnel de Denis Rivière »
Anne Brouan-Bourquin « Gérard de Nerval, Dans la nuit du tombeau, l’autre rive des Chimères »
Annick de Souzenelle « Muter, c’est aller vers la vérité »
Françoise Dastur « L'angoisse, la mort et le rire »
Jérôme Gofette « M.O.R.T. »
Bernard Andrieu « Impossible de mourir »
Frédéric Saenen « Monsieur Moreau »
Martine de Borde « Alcoolonialisme »
Thierry Maré « Lettre édifiante et curieuse à La Sœur de l’Ange du Japon »
Charles Wolfe "La mort de La Mettrie"
Stéfan Leclercq « L’être est la détermination de l’éternité »
Claude Tannery « Pourquoi mourir ? Pour quoi ? »
Benoît Virole « Un ange à Stromboli »
André Duprat « Une césure de rappel »
Bernard Ginisty « La mort ou la condition du passant »
Fabrice Midal « La patience du regard »
Christian Ganachaud « Quand la mort viendra elle ne trouvera personne »
Didier Bazy « Joie de vivre »
Jean-Marc Vivenza « Le sens spirituel de la mort selon la doctrine de l’Illuminisme mystique »
Nathalie Chadeuil « Drieu La Rochelle : un mystique sans la grâce »
Gwen Duguy « Le vœu de Thanatos »
Michel Surya «La mort de Georges Bataille »
Matthieu Baumier « Expérience de la peur »

Rhizome(s)

François Casteleyn « Toni Negri : ontologie et politique »
Jean-Laurent Poli « Panégyriques 2 »
Stéfan Leclercq « Le droit naturel : passage, puissance, immanence »

Inédit(s)

Elie-Charles Flamand « Poèmes »

Silhouette(s)

Marc Kober « Dans le verger de la salamandre (Elie-Charles Flamand) »
Francis Moury « Actualité ou inactualité de Max Scheler »
Sébastien Mathieu « Novalis, Dieu et Moi »

Etat(s) du lieu : Révolution ? Révélation ?

Alain Jugnon « Nous sommes la terre décisive (Pour la révolution humaine, matériellement et immédiatement)»
Matthieu Baumier « Pour une Théologie politique Chrétienne »

Cahier Pierre BOUDOT

Olivier Germain-Thomas « Dans le feu, l’encre de ses livres»
Matthieu Baumier « Au commencement était Pierre Boudot »
Philippe de Saint Robert « Pierre Boudot, philosophe engagé »
Jean-Luc Moreau « Le libertin des grandes profondeurs »
Alain Jugnon « Boudot et Baubô, présentation du corps glorieux du philosophe en Thérèse Nietzsche révolutionnaire »
Lettre inédite de Pierre Boudot à ses enfants sur De Gaulle
Adieu à Pierre Boudot de Marcel Conche

Pour quitter

Christophe Spielberger « L'homme au cruchon »

Plus d'info sur le blog de La Soeur de l'Ange.

13:20 Publié dans Revues littéraires | Lien permanent

samedi, 25 juin 2005

La Bresse dans les pédales

medium_bresse_1_.jpgDans une collection de petits polars pas chers tenant dans une poche revolver, Roland Fuentès (dont on a récemment apprécié La double mémoire de David Hoog, chez A contrario) signe La Bresse dans les pédales, défi d’un polar situé parmi les villages réputés paisibles et sans histoire de l’Ain.
Comme dans les précédents livres de Fuentès, le fantastique prend ses aises, avec ici une alliée objective de choix, la nuit, « zone obscure et floue », tout le récit se passant dans l’obscurité, et n’étant qu’une traversée à vélo de la nuit. Les yeux ne voient plus que vagues formes et lumières et le noir à la « consistance plus épaisse que de la gomme », les oreilles prennent le relais et les bruits se font surdimensionnés, l’imagination bat la campagne. On n’est pas étonné dans ce contexte de voir apparaître la Mort, devant une clôture, ou sur une branche.
Si le héros est le narrateur (un vieux garçon un peu demeuré et pénible, se vengeant de sa frustration d’existence de vendeur dans un supermarché par d’intensives courses cyclistes dans la nuit), l’héroïne est sans conteste une bicyclette de 1936, fidèle coursier de ce chevalier loufoque et solitaire. Elle traverse le récit, le conduit, le tire dans le noir, de gauche et de droite, bifurque, effectue des tours sur elle-même, des volte-face. Les jambes actionnent sans fin et sans repos les pédales, et en même temps le moteur de la fiction. Le narrateur vélocipédiste a pris soin de revêtir à la première page un tee-shirt blanc, image évidente de la page blanche, que les traces de sang de plusieurs crimes vont venir maculer, traces de l’histoire et preuves d’une possible culpabilité.
medium_dessin-roland-2.jpgDans un style parlé réussi, travaillé et littéraire, avec un sens de la fantaisie et de l'humour, Fuentès nous mène dans son monde où le réel n’est plus qu’un prétexte. « Vous êtes entré dans la fiction jusqu’au nombril, et vous ne demandez qu’à y plonger aussi la tête. » dit le narrateur au commissaire.
Jusqu’à la fin, le doute est entretenu : ce récit, confession au commissariat, est-il une relation du réel (ce réel est-il lui-même une suite de crimes ou une machination orchestrée par ses collègues de travail ?), est-il une invention ? Tout n'est peut-être que pure fiction, en définitive. « Serait-il possible que moi qui vous parle, moi qui ai pris la parole dans les pages de ce livre, je n’existe pas ? Serait-il possible que vous-même, qui me lisez, ne soyez pas commissaire ? »
Roland Fuentès se révèle aussi un dessinateur de talent. Ses illustrations « à couteaux tirés » (dont deux sont ici reproduites) ponctuent l’histoire, en renforcent l'absurde et l'humour.

La Bresse dans les pédales, de Roland Fuentès
Collection Petite Nuit, Nykta éditeur, 5 €
www.editions-nykta.com

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14:02 Publié dans Lectures | Lien permanent

mardi, 21 juin 2005

Le nom (extrait)

medium_lenom5ko.2.jpgLe nom est paru en février et a suivi son petit bonhomme de chemin de l'hiver à l'été, avec un relatif succès critique (je renvoie vers cette page dossier critique de mon site perso, où sont reproduits les articles obtenus dans la presse et sur internet). J'espère qu'il continuera à faire entendre sa petite voix, malgré la rotation rapide des livres qui le chassera bientôt des rares librairies où on peut le trouver, malgré la déferlante lame de fond de la prochaine rentrée littéraire ; mais pour moi, il est temps de m'atteler à de nouveaux projets.

Avec l'aimable autorisation des éditions A contrario, je livre un extrait de ce roman :


Depuis quelques jours (et après la douce euphorie du début de l’installation), l’écriture devenait de plus en plus difficile. Elle se réduisait. Elle se raréfiait. L’absence de réponse des éditeurs à ses envois de manuscrits ne l’encourageait guère ; il avait parfois des accès de dépression, de quasi désespoir, en ouvrant chaque matin sa boîte aux lettres sur le vide. Des accès de révolte aussi, qu’il ne savait contre qui diriger. Sa solitude ne se résolvait pas par l’écriture ; au contraire, il lui semblait qu’elle se refermait chaque jour davantage.
Prenant son paquet de Gitanes bleues sans filtre, il saisit une cigarette, qu’il contempla en la faisant tourner lentement entre ses doigts ; sur toute la longueur de l’étroit cylindre il traça avec son stylo plume un trait noir, perpendiculaire à la marque GITANE imprimée en petites capitales grises qu’il traversa entre le T et le A ; l’encre bava, absorbée par le papier léger et poreux, par le lit de tabac. Il alluma la cigarette avec son briquet Zippo, puis ne tira que deux ou trois bouffées rejetées aussitôt dans l’air, la laissant se consumer jusqu’au bout sur le bord du cendrier de verre où elle laissa une tache brune ; progressivement il vit disparaître la ligne noire, et la marque imprimée, rongées par l’avancée de la braise. Il ne subsista que de légères cendres grises, à peine chaudes, qu’il effleura du bout de ses doigts avant de reprendre le stylo.
Alors, les yeux perdus dans le blanc de la page et dans la fumée résiduelle, à court d’idées, à court de mots, d’une façon presque machinale, il écrivit son nom.
Lentement (ou comme au ralenti), en lettres noires, larges et liées, légèrement penchées à droite, il traça son nom sur le cahier, d’un geste familier et irréfléchi comme le réflexe d’une signature, comme il l’avait tracé sur la buée de la vitre, mais d’une façon plus fine et définitive, avec de l’encre après l’avoir esquissé avec de l’eau, avec une écriture appliquée après l’avoir grossièrement dessiné avec le doigt. Les quatre lettres du nom, d’un seul mouvement de la main droite. Au milieu d’une ligne. Comme en suspension. Comme en équilibre. Au milieu de la première ligne de la page blanche du cahier.
Le geste achevé, il posa le stylo, resta immobile, et observa sa création.
Il avait écrit son nom comme ça, par une sorte d’automatisme, une mémoire de la main. Il ne l’avait pas fait exprès. Ses yeux avaient vu sa main saisir le stylo et former le mot à l’encre noire ; il avait assisté à une création soudaine, ex nihilo, rappelant celle d’un artiste plasticien qui jette une tache de couleur ou une ligne sur la toile après une longue et intense méditation, ou après avoir fait le vide en lui.
Il regardait l’apparition. La concrétion d’encre. Il considérait la figure du mot, en examinait la ligne et le relief, la silhouette, la robe, la forme extérieure. Comme un peintre qui prend de la distance avec son tableau pour mieux en apprécier les proportions ou en discerner les défauts, il se leva et recula de quelques pas, jusqu’à ne plus voir sur le cahier qu’une forme incertaine et sombre. Le mot n’était plus lisible (à l’instar des plus petites lettres du tableau dans le cabinet de l’oculiste) ; l’auteur ne le déchiffrait plus que par mémoire. A travers le vague tremblé des signes noirs, il en reconstituait le sens. Mais il voyait très bien malgré la distance la quatrième et dernière lettre, sur la droite, dépasser les autres de sa hauteur triple, comme dans un paysage lointain le clocher d’une église domine les maisons environnantes.
Il revint à sa table de travail et saisit le stylo, décidé à reprendre son ouvrage. L’inspiration n’était pas revenue pour autant, après l’écriture de ce nom qu’il considérait comme un accident, une fantaisie. Une récréation. Il ne trouva pas de suite. Sa tête était vide, occupée par ce vide souverain qui l’avait envahie depuis le matin. Il n’y avait pas d’autre suite à ce nom isolé que ce blanc sur la gauche, ce blanc sur la droite, ce blanc au-dessus et au-dessous, ce blanc de toutes parts, cette absence de texte avant et cette absence de texte après, ce silence de la page, aucune autre suite à ce nom qui semblait se suffire à lui-même.
Ce corps étranger, cet intrus (qu’il aurait pu rayer d’un trait de plume, noyer sous l’encre, renvoyer au néant pour revenir à son œuvre) l’intrigua à la fin ; et il l’examina de plus près. C’est alors, revenu du moment d’ivresse et de cécité de la création, qu’il le vit concrètement et que les détails lui apparurent dans toute leur objectivité.
Il avait écrit le nom au milieu de la première ligne, sans majuscule à la première lettre, sans point après la dernière lettre.
Il l’avait écrit comme un nom commun, sans capitale à l’initiale. Un nom commun isolé, en travers de la page, un objet incongru, hors de tout contexte, vestige rescapé d’une phrase disparue. Le nom formait un bloc. Les quatre lettres, liées les unes aux autres par l’élégante écriture anglaise, semblaient forgées du même fil d’encre noire, unies étroitement pour ne pas se perdre, pour ne pas perdre le sens qui circulait en elles et entre elles.
Il n’avait pas mis de majuscule à la première lettre. Sans le faire exprès, sans volonté délibérée ou mûrement réfléchie, il avait transformé le nom propre en nom commun. Et créé du même coup un néologisme, car le mot obtenu n’existait pas dans les dictionnaires usuels, ni dans le Petit Robert alphabétique et analogique de la langue française, ni dans le Petit Larousse, il en était sûr mais il les vérifia tous deux absurdement, par un souci maniaque – s’attardant sur les deux mots entre lesquels le nom aurait pu s’intercaler, le précédent et le suivant virtuels, qui en son absence se succédaient étroitement. Il pointa du doigt la place qui serait celle du mot nouveau, avec sa définition, ses exemples, décalant de quelques lignes toute la suite du vocabulaire. Maintenant que ce nom était décapité de sa majuscule, comme un noble amputé de sa particule, il pouvait rentrer dans le rang, se mêler à la foule de ses semblables, rejoindre incognito la masse des noms communs et gagner ainsi, comme des dizaines de milliers d’autres mots déjà existants, sa place dans le dictionnaire à l’endroit précis que lui assignait un classement alphabétique rigoureux et sans faille - une place qu’il n’aurait sans doute jamais pu conquérir dans la seconde partie du Petit Larousse illustré réservée aux noms propres, dans cette partie réduite, perpétuellement élaguée, renouvelée, des noms de famille illustres. Au contraire, le nom ayant changé de statut était maintenant susceptible de survivre dans le lexique, cette large famille d’accueil, car tous les mots y ont leur place exacte uniquement déterminée par le classement alphabétique, d’une élasticité totale, qui s’applique à tous, grands ou petits, usuels ou rares, vieux ou modernes, précieux ou familiers, quelle que soit leur origine nationale ou raciale, dans un égalitarisme exemplaire.

in Le nom, éditions A contrario, 2005


disponible en librairies ou sur


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Adam nomme les animaux

Physiologus
Cambrai, vers 1270-1275
Douai, Bibliothèque municipale, ms. 711, fol. 17

07:35 Publié dans Textes et nouvelles | Lien permanent

samedi, 18 juin 2005

Stendhal Erasmus

Les écrivains connaissent les diverses bourses d'écriture (découverte, encouragement, création, allocation sabbatique) qui peuvent être accordées par le Centre national du livre. Les Centres régionaux du livre ont aussi une politique d'aide aux auteurs, consistant en bourses et séjours en résidence.

Ce que l'on sait moins, c'est que le ministère des Affaires Etrangères accorde des "Missions Stendhal", qui sont un peu l'Erasmus des écrivains.
Les "Missions Stendhal" sont attribuées par un Jury renouvelé chaque année, que préside le Directeur général de la Coopération internationale et du Développement au Ministère des Affaires Etrangères, à des auteurs ayant déjà publié et qui ont besoin de séjourner à l'étranger pour réaliser un projet d'écriture.
Le candidat constitue un dossier qui doit comprendre :
- son curriculum vitae ;
- la liste des ouvrages qu'il a déjà publiés ;
- l'exposé du projet en précisant le lieu et la durée souhaitée du séjour.

La décision du Jury est communiquée fin décembre aux lauréats auxquels il sera demandé d'être pendant leur séjour à la disposition des services et établissements culturels dans le pays choisi afin de participer à leurs activités culturelles.
Le Ministère des Affaires Etrangères prend en charge le voyage aller-retour du lauréat et lui accorde une indemnité globale pour la durée du séjour fixée par le Jury.

Renseignements :
Division de l'écrit et des médiathèques
Ministère des Affaires Etrangères
244, boulevard Saint-Germain
75303 PARIS 07 SP.

http://www.france.diplomatie.fr/culture/livre_et_ecrit/st...

lundi, 13 juin 2005

Le Salmigondis nouveau est arrivé

medium_salmi21.gif18 mois pour sortir une publication trimestrielle, voici une sorte de record à l’envers, un "éloge de la lenteur", pour parler comme certains poètes ; mais plus sérieusement, ce retard est révélateur des difficultés que connaissent les responsables de revues. Pour concurrencer les webzines, il faut faire de gros, de beaux numéros, mariant richesse du contenu et élégance du contenant, donc, engager des fonds. Investir en temps, en argent, en énergie – ressources loin d'être inépuisables.
On n’est pas déçu d’une si longue attente, car la table est bien garnie. Textes et nouvelles, dossiers, interviews nous plongent au cœur d’une création intéressante et souvent peu visible ailleurs. Avec aussi la présence de quelques « poids lourds », dont Abdelkader Djemaï, qui nous régale de son texte « Le tueur », nouvelle d’une écriture économe et rigoureuse, que j’ai eu le plaisir d’entendre lire par son auteur au festival de Saint-Claude.
Salmigondis confirme son statut de découvreur, en nous donnant à lire des auteurs prometteurs : Isabelle Sojfer, ses histoires brèves et cruelles, et Nicolas Puzenat, qui signe une nouvelle magnifique, d’un absurde consommé, « Grandeur des corpuscules ».
Originalité de Salmigondis, le dessin et la BD sont bien représentés. Didier Millotte, qui livre de nombreuses illustrations de ce numéro, répond aux questions de Fuentès : « Par un rejet des produits Disney, entre autres, certains produisent de la boue, sans se rendre compte que ce n’est pas mieux d’un poil. Pour vraiment faire de bons livres pour enfants, il faut avant d’avoir le désir de faire des albums, aimer les enfants. » Ce même jeune dessinateur, qui ne lit « pratiquement plus que la Bible », « le texte le plus fascinant et le plus enthousiasmant de l’humanité », nous sert quelques déclarations réjouissantes et roboratives, à contre-courant, à mille lieues de la vague du « politiquement correct », vague sur laquelle a su surfer Franck Pavloff (également présent dans ce numéro), avec l’invraisemblable succès de Matin brun.
La rubrique Passeurs présente Philippe Gindre, traducteur, rédacteur en chef de la revue Le Codex Atlanticus, responsable des éditions La Clef d’Argent et surtout, passionné de littérature fantastique - et Georges Païta. Ce dernier a fondé la maison d’édition qui répond au beau nom de La Tour d’Oysel. Nouvelliste lui-même, il publie des recueils de nouvelles de belle facture et, n’ayant pas trouvé un accueil très favorable chez les libraires, a privilégié un mode original de diffusion : « Les recueils ont dès le début rencontré le meilleur accueil auprès des documentalistes et des professeurs de lettres des lycées et collèges, pourtant réputé lectorat difficile. A la suite d’une série d’articles parus dans la revue INTERCDI, l’officiel des documentalistes, conseillant la lecture de mes textes aux élèves du secondaire, de nombreuses commandes émanant d’établissements scolaires se sont bousculées sur mon fax… Interventions et rencontres avec les élèves ont suivi à cadence soutenue, générant de nouvelles commandes. Au point que j’ai dû entreprendre par trois fois la réédition de Piégés (4 000 exemplaires vendus à ce jour) et que le premier tirage de De plein fouet (3 000 exemplaires) est quasiment épuisé. »
Calou, responsable du site internet « Calou, l’ivre de lecture », dans son article en forme de confession « Lire est un métier difficile », fait part de son expérience de lectrice passionnée. Elle se heurte à deux types de fâcheux : les critiques professionnels qui méprisent les critiques amateurs (« Personne dans le monde littéraire actuel ne leur accorde un crédit authentique, leur autorise une ouverture, hormis celle parcimonieusement offerte à une poignée de chanceux : les jurés de prix littéraires populaires, libres de toute influence ») et les auteurs à l’ego démesuré, dont on ne dira jamais assez de bien dans les articles qui leur sont consacrés : « Je ne suis plus étonnée ni surprise aujourd’hui, simplement lasse devant les lettres prétentieuses et pédantes que je reçois. Ne perdons pas de vue que nous sommes tous absurdement humains, ce qui sous-entend lumières et paradoxes, tendresse et surprises – les bonnes comme les mauvaises -, et donc les « je sais écrire mais vous ne savez pas me lire ». Heureusement, Calou continue malgré tout, une critique de coup de cœur, indépendante et éclairée.
Un ensemble riche et cohérent, placé sous le signe de l’ouverture, de la curiosité, de la rencontre, complété par de nombreuses chroniques sur les livres et les revues. Espérons que Salmigondis ne cherchera pas à battre une nouvelle fois son record de non-parution !

Salmigondis n° 21, 10 €. Abonnement 4 n°s 35 €.
452 route d’Attignat, 01310 Polliat. Site www.salmigondis.com

12:50 Publié dans Revues littéraires | Lien permanent

vendredi, 10 juin 2005

Joséphin Soulary (1815 - 1891)

medium_soulary.jpgJoséphin Soulary a été l’un des poètes reconnus et célèbres du 19e siècle. Baudelaire et Sainte-Beuve l’appréciaient et lui ont consacré des études élogieuses. Né à Lyon, Croix-Roussien et contemporain de Pierre Dupont, il est aujourd’hui injustement oublié.
Après des années de jeunesse difficiles, Joséphin Soulary devient en 1840 chef de cabinet du préfet Jaÿr, puis chef de division à la préfecture du Rhône. Il termine sa carrière comme conservateur de la Bibliothèque municipale. N’ayant jamais cessé d’écrire, il connaît sa consécration littéraire en 1859 avec les Sonnets Humouristiques, parus chez Perrin. Auteur d’une œuvre importante, Soulary s’est surtout illustré dans l’art du sonnet, dans lequel il était passé maître. On l’a comparé en son temps à Théophile Gautier et Leconte de Lisle. Au-delà du classicisme impeccable de la forme, de nombreux poèmes de cet auteur séduisent encore le lecteur contemporain par leur originalité, leur force d’émotion et un humour, parfois mélancolique et désenchanté, qui les rendent très actuels.
Ses Oeuvres poétiques ont été rassemblées en 3 volumes chez Lemerre (1887).


*

SONNET DE DECEMBRE

L’hiver est là. L’oiseau meurt de faim; l’homme gèle.
Passe pour l’homme encor ; mais l’oiseau, c’est pitié !
Dans un bouquin rongé des rats plus qu’à moitié
j’ai lu qu’il paie aussi la faute originelle.

La bise a mangé l’air, durci le sol, lié
Les ruisseaux. - Temps propice aux heureux ! La flanelle
Les couvre ; au coin du feu le festin les appelle.
Mais les autres ?.. Sans doute ils auront mal prié !

Le soleil disparaît sous la brume glacée ;
C’est l’acteur des beaux jours qui, la toile baissée,
Prépare sa rentrée au prochain renouveau ;

et, tandis qu’on grelotte, il vient, par intervalle,
regarder plaisamment, l’oeil au trou du rideau,
La grimace que fait son public dans la salle.

in La chasse aux mouches d’or


*

UNE GRANDE DOULEUR

Comme il vient de porter sa pauvre femme en terre,
Et qu’on est d’humeur noire un jour d’enterrement,
Il entre au cabaret ; car la tristesse altère,
Et les morts sont bien morts ! - c’est là son sentiment.

Il se prouve en buvant que la vie est sévère ;
Et, vu que tout bonheur ne dure qu’un moment,
Il regarde finir mélancoliquement
Le tabac dans sa pipe et le vin dans son verre.

Deux voisins ses amis sont là-bas chuchotant
Qu’il ne survivra pas à la défunte, en tant
Qu’elle était au travail aussi brave que quatre.

Et lui songe, les yeux d’une larme rougis,
Qu’il va rentrer ce soir, ivre-mort, au logis,
Bien chagrin - de n’y plus trouver personne à battre.

in Les diables bleus


*

SUB SOLE QUID NOVI ?

Sous mes yeux vainement tout se métamorphose,
L’enfance en la vieillesse, et le jour en la nuit ;
Dans ce travail muet qui crée et qui détruit,
C’est toujours même loi, même effet, même cause.

Aujourd’hui vaut hier. Comme un collier morose
L’Ennui soude le jour qui passe au jour qui suit ;
Et l’immobile Dieu gouverne ce circuit,
Où l’acteur machinal quitte et prend même pose.

Sur le rayon de l’heure et dans le bruit des jours,
La vie a beau tourner, rien ne change son cours ;
Le pendule uniforme au front du Temps oscille.

N’est-il donc nulle part un monde où l’inconnu
Déconcerte l’attente, où, sur le cadran nu,
La Fantaisie en fleur fasse la folle aiguille ?

in Papillons noirs

 

 

Voir aussi :

Joséphin Soulary (2) : introduction de l'ouvrage

Joséphin Soulary (3) : une oeuvre à redécouvrir

Joséphin Soulary (4) : petite anthologie

 

jeudi, 09 juin 2005

Où l'on parle encore des blogs littéraires

Sur Wanadoo Maroc, un billet intitulé
Voyage dans la blogosphère littéraire,
où l'on apprend que Jean-Jacques Nuel (comme Christian Cottet-Emard) est un écrivain anonyme.
Voilà sans doute pourquoi j'ai publié un roman qui s'intitule Le nom !