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mercredi, 05 janvier 2005

Tourisme littéraire

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Le yo-yo Yeats et la gomme en forme de livre


A chacun ses manies, ses travers, son fétichisme. Lors de mes voyages en France ou dans les pays étrangers, j’ai la sale manie de pratiquer un tourisme littéraire, me rendant sur les lieux que les écrivains ont habités, visitant leurs maisons natales ou leurs résidences transformées en musées. En Irlande, pays particulièrement riche en auteurs, j’ai sacrifié impunément à cette passion. Pour marquer mon passage, ou le garder ensuite en mémoire par la vue renouvelée de souvenirs, j’ai l’habitude d’acheter des objets qui me rappellent ces visites, des « produits dérivés » dont je commence à avoir comme un début de collection. Ainsi, outre des cartes postales, j’ai des calendriers d’écrivains irlandais, chacun des douze auteurs retenus ouvrant la page d’un mois de l’année, des dessous de verres à l’effigie de Joyce et de ses congénères, ou un superbe T-shirt reproduisant les premières phrases d’Ulysse de Joyce, la disposition du texte – blanc sur fond noir – épousant la forme de la Tour de Sandycove, lieu mythique où se situe le premier chapitre du roman. Mais l’objet le plus stupide, le souvenir le plus ridicule que j’aie rapporté de mes balades paralittéraires, et que j’exhibe ici pour ma honte et le divertissement des internautes de passage, est sans conteste ce yo-yo dûment estampillé « Thoor Ballylee, home of William Butler Yeats ». Il fut acheté lors de ma visite de la tour Ballylee, où vécut le poète prix Nobel au début du vingtième siècle. La boutique de souvenirs attenante était un bazar indigne.

lundi, 03 janvier 2005

Douze mètres cubes de littérature

Roland FUENTES, Douze mètres cubes de littérature, Le Rocher, 17 €.

fuentes12m.3.jpgVoici plusieurs années que l’on voit revenir le nom de Roland Fuentès au sommaire d’anthologies ou de nombreuses revues (dont la NRF, Nouvelle Donne), et ses textes ont commencé à être rassemblés en quelques plaquettes à tirage confidentiel qu’il a, avoue-t-il avec humour, « refourguées à sa sœur, à sa mère, aux copines de sa mère, à son cousin, à sa grand-mère et à quelques copains magnanimes ». Ce dernier recueil de nouvelles intitulé « Douze mètres cubes de littérature » a reçu le prix Prométhée de la Nouvelle, décerné par l’atelier Imaginaire sur manuscrit, et vient de paraître aux éditions du Rocher. On sait que le prix Prométhée inverse le circuit traditionnel de l’édition : ce n’est pas un professionnel, plus ou moins soumis à des impératifs commerciaux, qui tente d’imposer ses choix au public, mais un jury de lecteurs qui se rassemblent pour choisir qui doit être publié. Cette édition vient consacrer heureusement un talent singulier.
Si l’on peut qualifier Roland Fuentès d’auteur fantastique, il n’a pas pour autant recours à une imagerie ou à une panoplie convenue du genre ; il s’inscrit dans la tradition d’un fantastique littéraire, et procède par de subtils décalages avec la réalité. Son monde est peuplé de faits divers peu ordinaires, un tailleur de diamants de Saint-Claude se met à transpirer du lait, le clocher de la cathédrale de Strasbourg dépasse seul de la surface du lac ayant noyé la ville, il tombe de vraies cordes du ciel, le vent entraîne dans une ronde les habitants d’une ville gelée… La psychologie n’a pas cours ici, elle n’a pas sa place, remplacée par une vision du monde où l’homme n’est pas forcément premier et central : les animaux, les arbres, les choses parfois y ont une place équivalente. Les femmes vivent ainsi avec des chiens ou des singes, une taupe détruit un quartier résidentiel, les araignées deviennent l’attraction d’un musée.
Les repères de la raison, les lois de la perspective et de la gravité s’effacent : dans « Lignes de fuite », « les paysages fuyaient de toutes parts, les prairies volaient, le ciel engloutissait des villages, les cluses gisaient au fond d’un fleuve qui le matin même ne formait pas l’ombre d’un ruisseau ». Le lecteur en garde l’impression d’un monde en perpétuel mouvement, sans point d’ancrage ni vérité établie, dont il faut peut-être chercher l’origine dans cette confidence de l’auteur : « Une enfance entre Algérie et Provence, une famille « mélangée » et de nombreux séjours à l’étranger m’ont donné du monde l’idée d’un foisonnement extrême. La conscience que toute façon d’être et de penser est relative. » Le fantastique devient ici le prolongement adulte du merveilleux du monde de l’enfance, sa version littéraire.
Militant de la littérature essentielle, Fuentès anime par ailleurs inlassablement la revue Salmigondis, qu’il a hissée au rang des meilleures et qu’il diffuse au long de l’année dans les librairies et les salons du livre. Il appartient à cette espèce en voie de disparition des êtres qui ont une conception exclusive et sacrée de la littérature, et celle-ci devient le thème de certaines des meilleures nouvelles : un critique oubliant de s’alimenter se lance dans la lecture d’un carton de douze mètres cubes de littérature jusqu’à ce que mort s’en suive, Amadeo Lutti disparaît dans le livre de sa propre vie, dont la couverture lui sert de pierre tombale. Roland Fuentès croit de façon incorrigible, inaliénable au pouvoir de la littérature et de la fiction, concluant son livre par cette déclaration : « il faut être bien fou pour vouloir ignorer le pouvoir des histoires ».

article paru dans Europe n° 900 (avril 2004)

06:21 Publié dans Lectures | Lien permanent

dimanche, 02 janvier 2005

Au commencement...

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(Paolo Uccello, Saint-Georges et le dragon)

La découverte récente des blogs, dont certains m’ont enthousiasmé, me pousse à tenter l’expérience du journal en ligne, qui se révèlera peut-être, au moins par le rapport nouveau qu’il introduit entre l’auteur et le lecteur, comme un nouveau genre littéraire.
Journal au fil de l’eau et des jours, chronique d’un livre à paraître, lectures et rencontres, critiques littéraires, billets d’humeur, textes de création et courtes nouvelles composeront les différentes sections de ce blog.
J'ai choisi une présentation sobre, quasi austère en cette décennie d'image, comme une page de livre, et en ouverture, ce tableau d'Uccello dont je n'ai jamais pu percer ni épuiser le mystère, et qui m'accompagne depuis plus de trente ans.