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samedi, 05 mars 2005

Etes-vous people ?

Passablement inquiétant, édifiant, cet éditorial d’Epok, le magazine culturel de la Fnac, dont voici un extrait :
« Les romans de Jules Verne auraient-ils eu le même succès si ses contemporains avaient mieux connu sa personne ? Aurait-il surmonté l’épreuve d’une médiatisation dévoilant un notable des lettres empâté, là où on attendait un croisement de Nicolas Hulot et des frères Bogdanoff ? Ce n’est pas sûr. La personnalité d’un écrivain est devenue un argument déterminant dans la vente de sa prose : il court les salons, dédicace, confère, s’expose à la télévision, parraine des causes, alimente les pages people. Un auteur doté d’une solide repartie et d’un look en adéquation avec sa prose aura une bonne longueur d’avance sur ses concurrents timides, démodés ou sans histoire, quelle que soit par ailleurs la qualité de leurs œuvres respectives. Il faut désormais un talent littéraire exceptionnel pour, comme Modiano, comme Kundera, s’imposer sans se mettre soi-même, en permanence, sur le marché. »

Ainsi, le « succès » d’un livre se mesure à ses chiffres de vente, comme celui d’une émission de télé à son audimat. Rien de bien nouveau certes, mais qu’un magazine dit « culturel » semble trouver ça naturel, voilà qui laisse rêveur… On se prendrait presque à regretter le 19e siècle. Car pour un écrivain, la seule réussite qui vaille n’est-elle pas de rencontrer – non le public – mais son public ; et un lectorat attentif, un carré de mille fidèles ne vaut-il pas mieux qu’un éphémère succès gagné sur un malentendu, un mal-vu, un mal-lu ?

Conseil aux aspirants écrivains du 21e siècle : Ne passez plus autant de temps à lire et à écrire, ça empâte, soignez la représentation : mettez-vous au régime, à la gym, à la chirurgie esthétique, quelques stages de maintien, d’improvisation théâtrale, et foncez ! Je ne veux voir plus qu’une tête, la vôtre, à la télévision.