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vendredi, 29 avril 2005

Un article du Magazine littéraire

Dans le Magazine littéraire de mai, sous la signature de Claude Mourthé, un article sur Le nom :

"De nos jours, après avoir longuement contemplé les rayons de sa bibliothèque souvent embryonnaire et assisté à quelques émissions pseudo-littéraires à la télé, l'auteur débutant s'installe bravement devant son ordinateur, acheté à crédit, et fouille dans ses souvenirs d'enfance ou ses expériences amoureuses pour transcrire deux cents pages qu'il envoie ensuite en moult exemplaires aux éditeurs dont il a répertorié les noms. Avant de se morfondre durant des mois dans l'attente d'une réponse généralement négative.
Jean-Jacques Nuel, lui, n'a pas d'inspiration. Tel Jean-Pierre Léaud articulant inlassablement le sien devant la glace, dans Baisers volés, tout ce qu'il trouve à confier à son cahier A4 à spirale et à grands carreaux, c'est son nom, sans se lasser d'admirer l'équilibre de ses deux consonnes et de ses deux voyelles. En espérant qu'il figurera un jour dans Le Petit Larousse et dans le Who's who. Le nom est l'oeuvre du temps. Ne peut-on pas rêver qu'il soit aussi un mot de passe vers la gloire ? Ne ferait-il pas bonne figure sur la couverture d'un livre, ce nom, qui n'est pas un nom commun ? Mais qu'écrire au-dessous ? L'oeuvre peut-elle se limiter à ces quatre lettres somme toute banales ? Eh bien, le miracle, c'est que l'auteur, Nuel donc, arrive à maintenir l'attention durant 140 pages avec son seul patronyme, ce "moëllon élémentaire", et une virtuosité que n'eût pas reniée Perec. Nom-brilisme ? Si l'on accepte de le suivre jusqu'au bout, et c'est facile car il écrit bien, on se rend compte qu'il s'agit là d'un véritable roman, avec un univers précisément décrit. La première personne incarnée. Mais l'égotisme dont on aurait pu l'accuser au début n'est qu'une façade, son prétendu manque d'inspiration un leurre. En se livrant, sur quatre lettres, à une multitude de variations, il parvient à créer une oeuvre véritable, avec à la fin une bonne petite morale s'inscrivant tout naturellement dans le seul décor où le nom subsiste, gravé : un cimetière. Ainsi nous nous trouvons à la fois sur la tombe de la littérature - car Nuel en profite pour tailler un costume aux éditeurs potentiels - et aux sources mêmes de l'écriture. C'est ce que l'on appelle un tour de force, et l'auteur va sûrement s'en faire un. De nom."

Le nom, Jean-Jacques Nuel, Éd. À Contrario, 16 €.