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jeudi, 26 avril 2007

Sur le style

« Le style me fait horreur et je m'aperçois que quand j'écris j'en fais toujours, alors je brûle tous mes manuscrits et il ne reste que ceux qui me rappellent une suffocation, un halètement, un étranglement dans je ne sais quels bas-fonds parce que ça c'est vrai. »

Antonin Artaud, Interjections.
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Commentaires

Extrait de "Entretiens" de Julien Gracq, éditions Corti, 2002.

Entretien avec Bernhild Boie, 2001

Bernhild Boie: Vous insistez aussi sur le rôle du hasard dans l’écriture. Comment se conjuguent hasard et jugement dans le travail de la langue ?

Julien Gracq: L’écrivain a affaire à la langue, comme le peintre aux lignes et aux couleurs, et le musicien aux notes de musique, aux instruments et aux voix. Il a dessein d’exprimer quelque chose mais – contrairement à la conversation triviale, où on parle en utilisant le « plus petit commun du vocabulaire », maniable à volonté et toujours disponible dans la banalité – il a des exigences plus grandes, à la fois en précision et en capacité d’éveiller des échos : il veut d’une certaine manière, « faire vivre » la langue. C’est elle seule alors qui peut lui faire des propositions, des combinaisons de mots variées. Ici intervient certes le hasard, mais aussi la plus ou moins grande souplesse que l’écrivain a dans le maniement de la langue, et aussi – c’est très important – l’ouverture, qu’il a, et qui doit être la plus grande possible, à l’éventuel verbal, même très éloigné de la zone où il « cherchait ses mots ». La bonne expression, celle qui s’imposera, est souvent d’apparence incongrue : et je suis convaincu qu’une des principales qualités de l’écrivain est de savoir faire accueil à tout ce qui semble d’abord se présenter à la traverse. Naturellement un tri s’exerce, une apparente trouvaille n’est souvent qu’une percée en direction d’une expression encore meilleure ; le jugement intervient, le travail de la phrase commence, et tous les dosages entre les dons de la langue et les exigences du jugement de qualité, du ton de l’ensemble et de l’équilibre de l’ouvrage, interviennent, dans des proportions extrêmement variées. C’est à peu près ainsi que pour ma part je vois le hasard des mots et le travail de la phrase se conjuguer.

Écrit par : Pascale | vendredi, 27 avril 2007

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