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lundi, 08 avril 2019

Une saison avec Dieu

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Vient de paraître :

Une saison avec Dieu

récit

de Jean-Jacques Nuel

aux éditions Le Pont du Change

 

"Dieu existe, j'ai été son colocataire.

L'espace de trois mois, durant l'hiver 1973, Dieu et moi avons logé dans le même appartement, au numéro 7 de la rue de l'Épée, au dernier étage sans ascenseur d'un immeuble vétuste et insalubre qui a été démoli quelques années plus tard."

 

Un récit qui mêle humour et spiritualité.

 

Ouvrage disponible sur le site des éditions

Le Pont du Change.

 

Il peut être commandé chez votre libraire habituel,

ou sur Amazon.

Également disponible en ebook.

 

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Premières pages :

 

DIEU EST MORT, affirment en chœur de nombreux hommes depuis Nietzsche – mais tant qu'on n'a pas retrouvé son cadavre, je doute encore. C'est plus fort que moi. Comme Saint Thomas, je ne crois qu'à ce que je vois.

À l'heure qu'il est, Dieu est peut-être mort et enterré. N'ayant aucun signe de lui, je ne peux affirmer qu'il existe, mais une chose est certaine : il a existé. J'en suis d'autant plus persuadé que je l'ai bien connu. Nous nous sommes fréquentés du temps de ma jeunesse étudiante.

Dieu et moi, c'est une vieille histoire. Une drôle d'histoire. Et je vais vous la raconter si vous avez une heure ou deux à m'accorder. Rassurez-vous, je ne serai pas long. Je sais que votre temps est précieux. Time is money, comme vous dîtes. Le temps, l'argent, ce sont vos dieux.

 

 

Un

 

L'espace de trois mois, durant l'hiver 1973, Dieu et moi avons logé dans le même appartement, au numéro 7 de la rue de l'Épée, au dernier étage sans ascenseur d'un immeuble vétuste et insalubre qui a été démoli quelques années plus tard.

Mais commençons par le commencement.

Je vivais seul auparavant. Depuis la rentrée universitaire je cherchais un étudiant pour partager les frais du loyer, et j'avais punaisé une petite annonce dans les couloirs de la fac de lettres et dans le hall du Resto U. Un soir, j'entendis frapper trois coups à ma porte. Nous étions le 21 décembre 1972, je me souviens de la date avec précision car c'était le premier jour de l'hiver, et la neige tombait dru depuis la veille. Vêtu d'un manteau de lainage gris et d'un cache-col d'un gris plus sombre, coiffé d'un bonnet de laine noire, un inconnu se tenait immobile devant ma porte, et je ne distinguais pas bien ses traits sur le palier mal éclairé.

Je lui fis visiter l'appartement, la cuisine et les deux chambres desservies par un long couloir latéral, mais il ne posa aucune question, indifférent au misérable décor et à l'absence de salle de bain. La location lui convenait, ainsi que le faible montant du loyer. Il n'hésita pas une seconde à me donner son accord. Quand je lui demandai son nom, il me répondit laconiquement :

- Dieu.

Le nom me surprit et je marquai un silence. Mais ma tendance à plaisanter, à tourner tout en dérision – qui était le propre de ma jeunesse – reprit vite le dessus.

- Et ton prénom, c'est Jésus ? me crus-je obligé de rétorquer.

Il ne releva pas cette blague peu subtile.

- Appelle-moi Dieu, tout simplement.

Notez bien que nous avions employé le tutoiement dès notre première rencontre. C'était la règle, en milieu étudiant. Et, à ma connaissance, elle est encore en vigueur.

Donc, il me dit s'appeler Dieu, et je le crus sur parole. Je ne suis pas du genre à réclamer au premier quidam venu ses papiers d'identité et, n'étant pas un policier assermenté, je n'ai aucun pouvoir réglementaire pour procéder à des vérifications. Du moment qu'il s'engageait à payer la moitié du loyer – et il me régla d'avance le mois de janvier (et le prorata de décembre) en posant sur la table de la cuisine quatre billets de vingt francs flambant neufs – que pouvais-je exiger de plus ? Je lui remis aussitôt un double des clés.

Et c'est ainsi qu'il déposa son maigre bagage à mon domicile. Et c'est ainsi que cette histoire a commencé.