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vendredi, 10 mars 2006

Charles Fontaine (1514 - après 1588)

 

Je remets en ligne ce billet paru le 14 mai 2005, m’étant aperçu, grâce à ce site érudit, que la version retenue du beau poème de Charles Fontaine était fautive. Il convient de préciser qu’à l’époque à laquelle j’avais conçu mon anthologie de poètes lyonnais, voici bien plus de vingt ans, Internet n’existait pas ni Gallica qui donne l’accès à de très anciens textes numérisés, jadis quasi introuvables. Je crois me rappeler avoir déniché ce poème dans une anthologie de poésie composée par André Gide.

Je rétablis donc le poème dans sa version originelle, comme dans son intégrité de 7 strophes.

*

Né à Paris le 13 juillet 1514, Charles Fontaine s’attacha à Renée de France (fille cadette de Louis XII et d'Anne de Bretagne) et séjourna quelques années auprès d’elle à Ferrare. Il regagna ensuite la France pour se fixer à Lyon où il passa la plus grande partie de sa vie.



Chant sur la naissance de Jean, second fils de l'auteur

 

Mon petit fils qui n’as encor rien vu,

A ce matin ton père te salue :

Viens t’en, viens voir ce monde bien pourvu

D’honneurs et biens, qui sont de grand value :

Viens voir la paix en France descendue :

Viens voir François, notre Roi, et le tien,

Qui a la France ornée, et défendue :

Viens voir le monde où y a tant de bien.


Viens voir le monde, où y a tant de maux,

Viens voir ton père en procès, et en peine :

Viens voir ta mère en douleurs, et travaux,

Plus grands que quand elle était de toi pleine :

Viens voir ta mère, à qui n’as laissé veine

En bon repos : viens voir ton père aussi,

Qui a passé sa jeunesse soudaine,

Et à trente ans est en peine et souci.


Jean, petit Jean, viens voir ce tant beau monde,

Ce ciel d’azur, ces étoiles luisantes,

Ce Soleil d’or, cette grand terre ronde,

Cette ample mer, ces rivières bruyantes,

Ce bel air vague, et ces nues courantes,

Ces beaux oiseaux qui chantent à plaisir,

Ces poissons frais, et ces bêtes paissantes :

Viens voir le tout à souhait, et désir.


Viens voir le tout sans désir, et souhait,

Viens voir le monde en divers troublements,

Viens voir le ciel, qui jà la terre hait,

Viens voir combat entre les éléments,

Viens voir l’air plein de rudes soufflements,

De dure grêle et d’horribles tonnerres :

Viens voir la terre en peine et tremblements :

Viens voir la mer noyant villes, et terres.


Enfant petit, petit et bel enfant,

Mâle bien fait, chef-d’œuvre de ton père,

Enfant petit en beauté triomphant,

La grand liesse, et joye de ta mère,

Le ris, l’ébat de ma jeune commère,

Et de ton père aussi certainement

Le grand espoir, et l’attente prospère,

Tu sois venu au monde heureusement.


Petit enfant peux-tu le bienvenu

Etre sur terre, où tu n’apportes rien ?

Mais où tu viens comme un petit ver nu ?

Tu n’as ni drap, ni linge qu soit tien,

Or, ni argent, n’aucun bien terrien :

A père et mère apportes seulement

Peine et souci : et voilà tout ton bien.

Petit enfant tu viens bien pauvrement.


De ton honneur ne veuil plus être chiche,

Petit enfant de grand bien jouissant,

Tu viens au monde aussi grand, aussi riche

Comme le Roi, et aussi florissant.

Ton Trésorier c’est le Dieu tout puissant,

Grâce divine est ta mère nourrice :

Ton héritage est le ciel splendissant :

Tes serviteurs sont les Anges sans vice.


in S'ensuivent les ruisseaux de Fontaine, Lyon, chez Thibauld Payan, 1555

Commentaires

Me fait penser au poème de Kipling, "Si tu es un homme, mon fils".

Écrit par : Calou | vendredi, 10 mars 2006

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