Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 26 avril 2005

Ateliers d'écriture (suites)

Certaines de mes notes (et pourtant, je m'autocensure !) provoquent des réactions violentes, passionnées. Comme j'ai choisi de ne pas ouvrir l'espace des commentaires, je reçois des messages d'internautes, ou je vois mes idées discutées en d'autres lieux virtuels quand un blogueur les a citées.
Mon dernier article consacré aux ateliers d'écriture, dans lequel j'exprimais une opinion négative sur ces pratiques, m'a valu, comme je m'y attendais, des protestations. Je reproduis ci-dessous deux messages reçus :

"Aux détours de liens, je viens de lire votre propos sur les ateliers d'écriture. Comme pour beaucoup de choses, il y a en ce domaine aussi matières à plusieurs paniers. L'angle par lequel vous percevez cette pratique tendrait à la rendre très critiquable. Vous devriez jeter un oeil sur le site du GFEN (groupe français d'Education Nouvelle). Leur credo, tous capables. En poésie également ! Il s'agit pour eux de faire partager l'idée qu'il n'existe pas de figure tutélaire du poète. Le poète en tant qu'artiste extrait du monde n'existe pas. Certains écrivent de la poésie, le prétendent en tous les cas ; d'autres le pensent impossible pour eux-mêmes. L'atelier d'écriture est un lieu et un dispositif qui s'interdit ces barrières. L'objectif n'est pas de révéler en chacun de nous le poète du siècle, mais de placer ceux qui le souhaitent dans la posture du poète, qui est une apropriation de la langue. Une utopie ? Oui, mais belle ! Et, partant de là, bien réelle ! Tous les ateliers d'écriture ne procèdent pas de ces principes éducatifs (à distinguer de l'enseignement !) ; certains sont effectivement bien critiquables, voire condamnables, pas ceux-là à mon sens."
Olivier Bastide

"C'est dommage qu'on ne peut pas commenter dans ton blog.
C'est pourquoi j'écris.
Et ne te hérise pas aussitôt : ma langue maternelle est hongroise, même si je vis en France depuis quarante ans.
Les ateliers d'écritures servent à donner de courage à ceux qui ont envie de s'exprimer.
Sont-ils écrivains pour autant ? Vont-ils devenir jamais ? Ce n'est pas important. De tout façon, ma définition de l'écrivain est celui qui écrit régulièrement, pas la vedette ou celui qui publie ou ...
Maintenant, nos blogs nous aident à nous exprimer.
Plus ou moins bien.
Nous nous exprimons mieux, quand on a réussi à comprendre certains techniques et trucs des écrivains, et cela, oui, on peut l'apprendre, tant des livres que des ateliers d'écriture. Regarder les textes différemment aussi.
J'aurais voulu laisser cette note sur le blog, mais les commentaires ne sont pas hélas admis à ce que je vois."
Judith Kertesz

Oui, je mesure bien l'intérêt que l'atelier d'écriture peut revêtir pour certains, je respecte leur démarche. Ce que je voudrais expliquer, c'est que la vérité est individuelle, que je n'ai jamais eu la prétention de délivrer une vérité universelle, mais que, ma vie déjà bien entamée m'apparaissant comme un chemin obscur et détourné, et largement une énigme, je tente, en formalisant des idées qui peuvent paraitre excessives, de comprendre ce que je suis et comment j'en suis arrivé là. Lorsque j'ai récemment écrit que j'étais fier d'avoir mené une longue recherche d'écriture tout en travaillant pour subvenir à mon existence au lieu de vivre aux crochets d'une famille, d'une femme ou de la société - ce qui a provoqué sur le blog de Joseph Vebret un tollé - je ne cherchais pas à remettre en cause les choix d'autres auteurs, lesquels sont tout aussi légitimes que le mien, mais je cherchais ma propre logique. De la même façon, pour les ateliers d'écriture, je ne peux que relater mon expérience : je n'ai jamais appris à écrire, j'ai tâtonné, dans la solitude, j'ai perdu apparemment beaucoup de temps, mais au final, c'est une chance, dans ma conception de la littérature, de ne pas avoir été formé par une pratique collective.
Et tant pis, encore une fois, pour ceux que ces propos dérangent.

*

Et sur ce dernier billet, réactions en cascade, celle du Stalker.

vendredi, 15 avril 2005

Les ateliers d'écriture

Les ateliers d’écriture, j’en ai toujours détesté le principe, je n’ai jamais compris leur utilité. Comme je demandais à Abdelkader Djemaï, lors d’un festival du livre à Saint-Claude, à quoi pouvaient bien servir ces ateliers d’écriture qu’il animait avec constance en France et à l’étranger, il me répondit « Surtout pas à faire des écrivains ! », confortant ainsi ma conviction. Il me donna ensuite, car l’homme est subtil, des justifications (communiquer l’amour des mots, de la littérature, le goût de la lecture, développer les facultés créatrices, etc.) qui ne suffirent pas à me convaincre. Mon avis reste que cela ne peut servir qu’à assurer un revenu complémentaire à des écrivains nécessiteux (et par définition, presque tous le sont). A de très rares exceptions près, les auteurs ne peuvent vivre de leur écriture qu’à la condition de consacrer du temps, à côté de leur œuvre, à des activités para-littéraires (interventions en milieu scolaire, ateliers d’écriture, résidences d’auteurs, piges diverses pour des magazines, etc.) dont certaines sont largement aussi prenantes et assommantes que le second métier que nos aînés pratiquaient et que la plupart d’entre nous pratiquent encore. A toutes ces corvées subventionnées ou chichement rétribuées, que l’on obtient essentiellement par relations, en étant introduit et bien vu par certains donneurs d’ordre, je préfère infiniment le second métier (et d’ailleurs dans mon cas l’unique métier, mes droits d’auteurs ayant été dérisoires) que j’ai exercé dans le privé puis dans l’administration, lequel avait au moins l’avantage de me rendre libre de toute attache, indépendant, sans comptes à rendre. La liberté n’a pas de prix.
Pour en finir avec les ateliers d’écriture, je pense que l’écriture créatrice ne s’enseigne pas, car elle n’est pas réductible à des procédés. Leur danger est de donner à certains candidats à l’édition l’illusion qu’elle les transformera en écrivains. Si Raymond Carver fut un génie, les ateliers qu’il fréquenta n’y sont pour rien.

lundi, 11 avril 2005

Une leçon de lucidité

A l'opposé de certains raseurs phraseurs qui se croient obligés de nous pondre chaque matin une crotte stylisée ou une perle de culture sans le moindre intérêt, Christian Cottet-Emard mène à son rythme l'un des meilleurs blogs littéraires du moment.
Son feuilleton "Tu écris toujours ?" nous livre les tribulations d'un auteur en quête d'éditeur, en quête de ce minimum de reconnaisssance qui permet de survivre. C'est une vraie entreprise de lucidité, de démystification, et il est à conseiller à tous les jeunes auteurs qui se font encore des illusions sur le monde des lettres (les questions du compte d'auteur et des bourses littéraires y sont notamment abordées avec réalisme).
J'attends avec impatience la suite, les suites, des pérégrinations de cet auteur au sein du monde littéraire réel, partiellement désenchanté - mais encore plein de ressources. Car ce journal, s'il explique les pièges, les déceptions, propose aussi des solutions, modestes mais jouables.
Ecrivain véritable, fin critique, Christian Cottet-Emard se révèle désabusé sans être amer. Et le tout, pour ne rien gâter, avec humour.

Extrait :
Bien que je ne m’exprime pas depuis longtemps sur la toile, je m’y suis déjà fait copieusement insulter par des gens que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, la plupart du temps par des écrivassiers ne jurant que par la liberté d’expression tout en regrettant de ne pas en être les seuls bénéficiaires. Ils font partie du bataillon des petits censeurs que j’évoquais plus haut.
Dernièrement, l’un d’eux, grâce aux moteurs de recherche, a exhumé une de mes vieilles notes de lecture, certes un peu vache, à propos d’un livre qui ne m’avait pas plu. Aucune réaction de l’auteur du livre (j’aurais adopté la même attitude à sa place) mais un gros caca nerveux de son lecteur ulcéré par cette fameuse note qui m’a menacé par blog interposé de je ne sais quelle vengeance en me traitant au passage de “chétif salopard”. Cet imprudent ignore que je pèse quatre-vingt-six kilos tout nu. Alors, “salopard”, peut-être, mais “chétif” non !

samedi, 05 mars 2005

Etes-vous people ?

Passablement inquiétant, édifiant, cet éditorial d’Epok, le magazine culturel de la Fnac, dont voici un extrait :
« Les romans de Jules Verne auraient-ils eu le même succès si ses contemporains avaient mieux connu sa personne ? Aurait-il surmonté l’épreuve d’une médiatisation dévoilant un notable des lettres empâté, là où on attendait un croisement de Nicolas Hulot et des frères Bogdanoff ? Ce n’est pas sûr. La personnalité d’un écrivain est devenue un argument déterminant dans la vente de sa prose : il court les salons, dédicace, confère, s’expose à la télévision, parraine des causes, alimente les pages people. Un auteur doté d’une solide repartie et d’un look en adéquation avec sa prose aura une bonne longueur d’avance sur ses concurrents timides, démodés ou sans histoire, quelle que soit par ailleurs la qualité de leurs œuvres respectives. Il faut désormais un talent littéraire exceptionnel pour, comme Modiano, comme Kundera, s’imposer sans se mettre soi-même, en permanence, sur le marché. »

Ainsi, le « succès » d’un livre se mesure à ses chiffres de vente, comme celui d’une émission de télé à son audimat. Rien de bien nouveau certes, mais qu’un magazine dit « culturel » semble trouver ça naturel, voilà qui laisse rêveur… On se prendrait presque à regretter le 19e siècle. Car pour un écrivain, la seule réussite qui vaille n’est-elle pas de rencontrer – non le public – mais son public ; et un lectorat attentif, un carré de mille fidèles ne vaut-il pas mieux qu’un éphémère succès gagné sur un malentendu, un mal-vu, un mal-lu ?

Conseil aux aspirants écrivains du 21e siècle : Ne passez plus autant de temps à lire et à écrire, ça empâte, soignez la représentation : mettez-vous au régime, à la gym, à la chirurgie esthétique, quelques stages de maintien, d’improvisation théâtrale, et foncez ! Je ne veux voir plus qu’une tête, la vôtre, à la télévision.

lundi, 21 février 2005

L'oeuvre cachée

Rendant compte, dans le dernier Figaro littéraire, de l’ouvrage L’affaire Paméla publié aux éditions Paris-Méditerranée, Jacques de Saint-Victor nous relate une bien étrange histoire. Un universitaire, André Magnan, a retrouvé un ouvrage perdu de Voltaire, livre que l’on avait coutume d’appeler le « Paméla », car le philosophe l’aurait écrit à la façon du Paméla de Richardson, une « histoire en lettres ». En fait, cet ouvrage se trouvait déjà publié dans la Correspondance de Voltaire ; il se composait d’une série de lettres éparses écrites à Mme Denis, sa nièce et amante, et relatives à son séjour à Berlin chez l’empereur Frédéric II. Une œuvre dispersée, éclatée, que M. Magnan a su retrouver, rassembler, recomposer comme un puzzle.

Cette idée d’une œuvre absente, perdue, que l’on cherche partout hors des œuvres complètes, qui se trouve cachée dans l’œuvre même, que l’on a sous les yeux sans pouvoir la reconnaître, est assez vertigineuse.

jeudi, 03 février 2005

Une plaine ponctuée de corbeaux

medium_lescheres2_036.jpg

Le texte Les corbeaux* a été mis en ligne hier sur le site littéraire Pleutil, beau réservoir anthologique dans lequel figurent déjà plusieurs de mes nouvelles.
Les corbeaux est le chapitre introducteur d’une suite inachevée de chroniques à peine romancées sur mes années d’enfance et d’adolescence (autour de 1968), le lieu principal de divagation du jeune Jacques étant la plaine des Chères – espace désolé et véritablement « déconstruit », auquel je consacre sur ce blog un album photos périodiquement augmenté.
Je me suis souvent demandé comment cette zone, qui dans ma prime enfance appartenait à la campagne pure (bois, haies, champs, rivière sinueuse et ombragée, chemins creux…) et que j’ai vue progressivement et méthodiquement ravagée par le « modernisme » (élargissement de la route nationale 6, abattage des platanes, percement de l’autoroute A6, remembrement rural, tracé de chemins et de fossés rectilignes, rectification du lit de la rivière L’Azergues, ouverture et exploitation de carrières de gravier, création d’un relais autoroutier, etc.), avait pu conserver une pulsation de vie, une sorte d’âme qui résiste.
Un paysage rayé de la carte, mais la surface de la carte, mise à nu, frémit encore. Le vent traverse la plaine des Chères, courbant les herbes folles et les arbrisseaux qui ont repoussé spontanément. Une nature violentée, terrassée (les engins mécaniques jaunes, géants, du terrassement), anéantie, garde une sorte de patience des siècles antérieurs, une mémoire minérale, végétale, et d’une ancienne humanité : elle attend le moment – hors peut-être du temps des hommes – de reprendre ses droits.

* Ce texte a été publié dans la revue L’instant du monde n° 2 (septembre 2002), animée par Raymond Alcovère.

dimanche, 30 janvier 2005

Le pantin de la lune

J’ai découvert, avec amusement et une certaine stupeur, que j’étais – le comble pour un auteur ! – un personnage de fiction. Sur Bopy.net, Claude Jego nous livre des contes pour enfants, dont une série de trois histoires met en scène Nuel, un pantin de chiffon (cheveux bleus et yeux de verre) qui habite sur la lune.
Voici leur résumé :

NUEL - LE PANTIN DE LA LUNE : Nuel habite sur la Lune où il fait briller les étoiles. Il a trois amis sur la Terre : Capucine, Tom et Rémi avec qui il va vivre de passionnantes aventures. (15 pages)
NUEL ET LE PETIT MARTIEN : Un petit martien a été oublié sur la Lune par ses parents et il pleure car il a très faim. Nuel décide de l'emmener sur la Terre. (15 pages)
NUEL ET L'ANNIVERSAIRE DE POMPON : Nuel, Capucine, Tom et Rémi sont invités sur Mars et ils vont découvrir qu'un anniversaire martien est très surprenant. (15 pages)

Extraits choisis :

Nuel appréciait cette solitude, d'ailleurs comment pouvait-il en être autrement puisqu'il était le seul habitant de la Lune ?

Alors il fit une chose qu'il n'avait encore jamais faite, il ouvrit la bouche et s'entendit prononcer :
– Bonjour ! Mon nom est Nuel.
Tandis qu'il mettait la main devant sa bouche pour retenir les autres mots qui voulaient sortir, un juron retentit :
– Il est pas vrai, celui-là ! Il dégringole sur le toit de notre cabane, et il nous sort tranquillement : Je m'appelle « machin » !
– Tom ! dit une jolie petite fille. Pourquoi tu te mets en colère ? C'est mignon « Nuel ».

Les enfants grimpèrent sur le toit de la cabane, et se regroupèrent autour de Nuel.
– Tu t'es fait mal ? demanda Rémi. Comment il s'appelle déjà ?
– Nu-el, lâcha Tom qui ajouta : Tu parles d'un nom pour un garçon.

- C'est quoi des " bigoudis " ? demanda Nuel qui avait un peu de mal à suivre la conversation.
Tom, Capucine et Rémi jetèrent un regard sur les cheveux bleus tout ébouriffés du pantin.
- Laisse-béton, Nuel, dit Tom. Tu ne peux pas piger.

Il détailla d'abord le petit bonhomme de la tête aux pieds puis décida de lui parler :
- Je m'appelle Nuel, dit-il en s'avançant vers lui.
Le petit bonhomme parut si surpris en le voyant qu'il cessa de pleurer. Mais ça ne dura pas, il se mit à hurler :
- Je veux ma mamannnn !!!

Les enfants et le pantin restèrent pétrifiés. Cet homme avait découvert leur secret et il menaçait le pantin. Qu'allait donc devenir Nuel ? Allait-on le jeter dans une cage ?
- C'est une catastrophe ! s'exclama Capucine, horrifiée. S'il nous dénonce, Nuel et Pompon finiront leurs jours enfermés dans un laboratoire.

Elle avait l'air de trouver Nuel bizarre.
– C'est normal, il EST bizarre, lâcha Tom en enlevant les lunettes du nez du pantin. Il a les mêmes yeux que mon vieux lapin en peluche.