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mercredi, 25 juin 2008

Mercure n° 2/3

mercure2.jpgLe n°2/3 de la revue Mercure, dirigée par Anthony Dufraisse vient de paraître.

 

SOMMAIRE

Anthony Dufraisse : Ce que Mercure n’est pas

Positions
Jean Dutourd : L’information, maladie moderne
Manuel de Diéguez : De la royauté audiovisuelle
Christian Ruby : Qu’est-ce qui nous regarde ? (II)
Annick Rivoire : Médias en ligne, chacun cherche son modèle
Vangelis Athanassopoulos : Richard Prince fume-t-il des Marlboro ?

Entretiens avec
Umberto Eco : Auteurs et autorité
Jean-Claude Lebrun : Le critique littéraire n’est pas un singe savant
Michel Serres : Internet attend son Robin des Bois
Annette Messager : Petit éloge du kiosque à journaux
Jean Hatzfeld : Les journalistes, ces petits historiens

Radiographies
Denis Grozdanovitch : Bonnes (et mauvaises) ondes
Gil Jouanard : Dis-moi comment tu écoutes...

Figures libres
Franck Derex : Eliagabal ressuscité
Stéphane Beau : Petites coupures
Jean-Jacques Nuel : Cold Case, une série divine

Lecture
Jean Mauriac Le Général et le Journaliste, par Georges Labaloue

 

Mercure n° 2/3, printemps-été 2008, 134 pages, 15 €.

Pour toute correspondance : revuemercure@free.fr

 

lundi, 23 juin 2008

L'épitaphe dans Le Codex Atlanticus n° 17

L'épitaphe, texte précédemment paru dans mon recueil Portraits d'écrivains (Editinter, 2002), vient  d'être republié dans le volume 17 de l'anthologie fantastique du Codex Atlanticus.

 

codex_17_vignette.gifLes livres, les revues, ce n'est que du papier. Des mots fragiles, imprimés sur un support perméable à l'eau, au feu, et que le vent disperse et emporte. Le papier s'altère, tombe en poussière. La littérature finira peut-être dans un vaste autodafé. C'est ainsi que pensait cet écrivain qui ne voulait pas laisser derrière lui une œuvre volatile, fût-elle immense et multiforme, une de ces milliers, de ces dizaines de milliers d'œuvres déjà couchées dans le linceul de leurs pages, offertes à l'irrémédiable du temps, à la contagion de l'oubli. Abandonnant le champ de l'édition à ses concurrents, il travailla sur une phrase, une seule, qui serait son œuvre, son chef-d'œuvre, la trace unique de son passage ici-bas. Il passa sa vie entière, qui fut longue, à attendre la mort et occupa tout ce temps à concevoir, écrire, corriger, réécrire son épitaphe. Inlassablement. Il imaginait sa pierre tombale, et l'inscription funéraire gravée dans la pierre, à la face des siècles. 

(...)

La suite dans Codex Atlanticus.

Ce volume 17 (juin 2008, 10 €) comprend également des textes de Michel Rullier, Philippe Vidal, Denis Moiriat, Christian Hibon, Gilles Bailly, Jean Effer, Philippe Bastin, Franck Denet, Timothée Rey, Stéphane Mouret. 

 

mardi, 17 juin 2008

Pour la langue française

A l'heure où la langue française disparaît comme langue internationale au profit de l'anglais et de l'espagnol, on peut s'inquiéter, comme le fait l'Académie française, du vote des députés visant à la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution :

 

(Cette déclaration a été votée à l'unanimité par les membres de l'Académie française dans sa séance du 12 juin 2008).

Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la République est le français ».

Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l’identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase commence par les mots : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase terminale : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».

Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?

Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il s’agit du droit des droits, la Constitution.

Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet d'une politique.

Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.

 

http://www.academie-francaise.fr/actualites/index.html

 

Voir aussi la réaction salutaire de Pierre Assouline :

 http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/06/18/si-je-toubli...

 

 

samedi, 07 juin 2008

Revue de détail n° 12

(Ces chroniques sont parues dans La Presse Littéraire n° 14.)

 

 

645778456.jpgMERCURE n° 1

« En ces temps proliférants de l’information, tantôt anarchique tantôt concentrique, et des réseaux de communication, il y a besoin d’une revue qui soit en retrait, retranchée. Une revue qui joue sur tous les registres de la pensée – pour observer. Car Mercure est ainsi conçue : comme un observatoire. » Ainsi s’exprime l’édito « Lignes directrices », de cette nouvelle publication, sous-titrée « Les médias autrement », conçue et dirigée par le journaliste et critique littéraire Anthony Dufraisse. D’emblée, le projet, mûrement pensé, apparaît original et cohérent. « Il ne s’agit pas d’être pour ou contre les médias : ce manichéisme réflexe et pavlovien ne mène à rien. Les médias sont à la fois le meilleur et le pire. » Mercure invite donc à penser aussi bien la positivité que la nocivité des médias, objet de réflexion et sujet d’inquiétude.

Quatre parties (Positions, Situations, Radiographies, Figures libres) regroupent des textes pour la plupart inédits ou parfois reproduits quand ils valent la peine d’être relus, signés Daniel Sibony, Christian Ruby, Manuel de Dieguez, Gil Jouanard, Claude Regy, Vangelis Athanassopoulos, Didier Nordon : « Jamais, vous dira-t-on, on n’a été aussi bien informé qu’aujourd’hui. La désinformation commence avec cette affirmation. Que nous recevions plus d’informations que par le passé, sans doute. Mais plus ne signifie pas mieux. », ou Jacques Attali : « Quiconque entre dans Internet sait qu’il ne faut pas parler d’autoroutes de l’information mais plutôt de labyrinthes : gigantesque enchevêtrement de ruelles, de bibliothèques et de cafés, le réseau se compose de mille chemins qui souvent se terminent en impasses. » En contrepoint de ces contributions théoriques, on découvre avec plaisir les souvenirs de Jacques Rigaud, ancien PDG de RTL, ou un texte savoureux de Christian Cottet-Emard, Souvenirs d’un localier, qui clôt ce numéro et nous entraîne dans les tribulations et mésaventures d’un pauvre chroniqueur de la presse régionale.

Mercure, 14 avenue Foch, 95100 Argenteuil. 110 pages, 10 €.

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IL PARTICOLARE n° 15 & 16.

Françoise Santon est la co-directrice et la secrétaire de rédaction de cette imposante et superbe revue (beau papier ivoire, couverture à rabats), publiée avec le concours du Centre national du livre, du Conseil régional PACA et de la Ville de Marseille, et consacrée aux thèmes « Art. Littérature. Théorie critique ». Les numéros paraissent en juin et décembre.

Il particolare accorde une très large place à la philosophie et à la critique : outre les questions de Serge Cottet à Philippe Mengue sur l’œuvre de Deleuze, on note les contributions de Jean-Luc Nancy, Jean-Pierre Cometti, Bernard Heidsieck, David Christoffel, Jean Arrouye. Cette continuité théorique est rompue par la note d’humour de Christian Tarting, qui dans une suite d’aphorismes « Plus haut que son luth » nous réjouit : « Dès qu’on commence à crever, les gens sont si polis que ça vous achève. » ou « A court de frites, Parmentier inventa la pomme de terre. » La poésie est également et heureusement présente avec un hommage à Jean Todrani, un extrait d’une suite de Pierre Le Pillouer « Ajouts contre jour » : « comme tout ce qui bouge ou tremble/ le mot/ cassera/ un jour fatalement/ cessera » et par des extraits de poèmes de Julia Darling, traduits de l’anglais par Christine Godbille. La dernière partie de la livraison est un cahier d’une centaine de pages consacré à Mathias Perez, peintre, fondateur de la maison d’édition Carte blanche et de la revue Fusées, qui a collaboré avec de nombreux écrivains. Le dossier contient des textes d’hommage (Jean-Pierre Verheggen, Michel Butor, Prigent…), d’abondantes reproductions de ses œuvres obsessionnelles, et un entretien avec Fabrice Thumerel : « L’éphémère est notre lot, notre visée. La fulgurance aussi. »

Les dernières pages reprennent les sommaires de tous les numéros précédents parus, pour rappeler que la revue est une continuité et un ensemble.

Il particolare, 1 rue de Lorraine, 13008 Marseille. 256 pages, 26 €.

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LE CANARD EN PLASTIC n° 3

Nous avons déjà eu l’occasion de signaler cette publication semestrielle originale et très aboutie, cette « petite revue de littératures et d’images » dirigée par Yves Leclere. Signe particulier : des notices bio-biblio décalées et humoristiques, inaugurant comme un nouveau genre littéraire. Tout au long du troisième numéro, sous couverture rose et verte, courent les magnifiques illustrations de Grégoire Dalle, qui nous livre aussi un carnet de croquis. Les textes en prose qui se succèdent ont une tonalité commune, marqués d’humour et d’absurde, dont ceux de Nicolas Barbatruc, « Une pluie de neige et tes seins verts » ou de Matthias Gredain, livrant des fragments de « Les aboiements d’un chien de faïence » : « Je suis né sous une étoile définitivement humide. Aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais mis le pied dehors sans que la pluie ne commence à tomber. », sans oublier Stéphane Mariesté, Pierre Cendors, Gemme Terroni, Laurent Dupont et Antoine Sacques.

Un jeu pour finir : une citation de Molloy de Samuel Beckett s’est glissée dans ce numéro 3. Si vous êtes le premier à trouver la bonne réponse, vous gagnerez un abonnement à 2 numéros du Canard en Plastic !

Le Canard en Plastic, 91 rue de la Fraternité, 93100 Montreuil-sous-Bois. 128 pages. 12 €. www.lecanardenplastic.net

 

lundi, 02 juin 2008

Brefs, dans Le Grognard n° 6

 

Le passé est une prison qui s'agrandit chaque jour.

*

Pardonnez-nous notre enfance, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont enfantés.

*

Le journalisme : l'à-peu-près de la pensée dans l'à-peu-près du langage.

*

Je me surprends chaque jour à désirer poursuivre.

*

 

205137771.jpgLa suite de mes aphorismes dans Le Grognard n° 6, la revue animée par Stéphane Beau.

Egalement au sommaire : Pascale Arguedas, Michel Volkovitch, Claude Pérès, Patrice Locmant, Mitchell Abidor, Thomas Vinau, Aristie Trendel, Henri Roorda.

 A partir de ce numéro 6, la revue Le Grognard est co-éditée par les éditions du Petit Pavé (49), qui la diffusent.

 

Pour toute commande (7 € frais de port compris), écrire à revue.le.grognard@gmail.com

samedi, 31 mai 2008

Faire du blog avec de l'ancien

Dans livre & lire n° 233 de juin, le mensuel du livre en Rhône-Alpes publié par l’ARALD, Frédérick Houdaer consacre sa chronique régulière « ecrits.net » à deux blogs : Solko et L’annexe.

 

"Faire du blog avec de l'ancien"

« Rares sont les blogs d’auteurs d’aujourd’hui qui s’intéressent aux « inconnus illustres » ayant enrichi le patrimoine littéraire lyonnais. Deux exceptions :

Solko, le blog de Roland Thévenet, qui nous offre de nombreuses et riches notes consacrées à Gabriel Chevallier, Nizier du Puitspelu, Tancrède de Visan et bien d’autres. L’esprit canut semble habiter Thévenet, qui reconnaît lui-même « collectionner maladivement les auteurs lyonnais parfaitement oubliés ». Il n’en oublie pas pour autant leurs frères d’infortune, les peintres que sont Pierre Combet Descombes, François-Auguste Ravier et François Vernay (voir les écrits d’un Béraud sur nombre d’entre eux).

L’annexe, de Jean-Jacques Nuel.

Nuel, romancier, poète, fin connaisseur du monde des revues ainsi que de la blogosphère, est l’auteur d’une biographie du croix-roussien Joséphin Soulary. C’est avec la même aisance qu’il parlera de Joyce ou de Houellebecq !

Nulle taxidermie littéraire dans les exercices d’admiration de Thévenet et de Nuel, mais bien plutôt un travail de réhabilitation opiniâtre, loin des modes et des postures avantageuses (on notera leur passion commune pour Léon Bloy). »

 

On peut télécharger livre&lire sur le site de l’Arald.

vendredi, 23 mai 2008

30 ans d'écriture

Cet entretien, réalisé par Roland Fuentès, a été publié dans le numéro 22 de la revue Harfang en mai 2003. J'y changerais aujourd'hui peu de choses, sinon le titre : bientôt 40 ans d'écriture !


Roland Fuentès : Jean-Jacques Nuel, d'où vous est venu le goût de l'écriture ? Et depuis quand écrivez-vous ?
JJN : Il faudrait un livre entier pour répondre ! J'écris depuis l'âge de 16-17 ans. J'ai ensuite poursuivi l'écriture, avec parfois de longues interruptions de plusieurs années, mais sans jamais perdre de vue l'idée que j'étais un écrivain. Je me suis toujours pensé écrivain, et peut-être avant même d'écrire, quand dans ma petite enfance je réalisais des livres vierges. D'où est venu le déclic ? D'abord de mes lectures d'adolescence, essentiellement poétiques : Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Alfred de Musset, qui m'ont donné envie d'imiter. Et puis une rédaction, imposée par un prof de français, et dont le sujet devait particulièrement m'inspirer, a été l'occasion de mon premier travail de création, je n'ai pas compté mes heures, j'ai oublié le temps, je suis complètement sorti du cadre du devoir scolaire pour entrer dans celui de la littérature. Ensuite, l'écriture est devenue une passion régulière, un ami au lycée écrivait lui aussi, je lui montrais mes poèmes et mes premières nouvelles. Voici quelques repères conscients ; au fond, on ne sait pas pourquoi on écrit, la programmation est si lointaine, si enfouie, si complexe qu'elle nous échappe.

RF : Vous souvenez-vous de votre première publication ?
JJN : Un souvenir ineffaçable, car j'ai vécu l'un des moments les plus violents de ma vie. Au printemps 2004, je fêterai le 30e anniversaire ( !) de cette publication dans une revue disparue depuis longtemps : Syllepses, une revue littéraire de Grenoble. Mes premières publications ont l'intensité de mes premiers émois amoureux ! Je me souviens de la lettre d'acceptation, je la relisais sans cesse, je la portais sur moi. J'ai attendu la parution avec une terrible impatience. J'étais très fier, sans me rendre compte que c'était finalement peu de chose.

RF : Vous avez écrit beaucoup de poésie à vos débuts ; vous avez même publié chez Cheyne un très beau recueil : "Du pays glacé salin". Et puis vous avez tourné le dos à la poésie. Pourquoi ?
JJN : Deux recueils ont immédiatement suivi Du pays glacé salin : Immenses, au Pré de l'Age (qui vient d'ailleurs d'être réédité au Pré Carré) et Noria aux éditions Pleine Plume. J'avais choisi une voie d'ascèse, de pauvreté, d'économie de mots, elle m'a conduit au silence. Je n'avais plus rien à dire en poésie. Je suis donc revenu à la prose, dans laquelle je me sens bien plus libre. J'arrive à exprimer par la prose tout ce que j'écrivais en poésie, et j'exprime bien d'autres choses, ne serait-ce que l'humour, la dérision. Ma dimension de créateur a besoin de tout l'espace de la prose. Je décris bien sûr un fonctionnement personnel, cela n'a pas valeur de règle ni de théorie. Chacun doit trouver le genre littéraire qui lui convient le mieux, étant précisé qu'à mes yeux, il n'existe aucune hiérarchie des genres : la main à poésie vaut la main à prose (et vice-versa).

RF : Votre écriture est très précise. Il semble que vous ayez conservé de la poésie un goût pour la concision et la justesse de l'image. Travaillez-vous beaucoup votre écriture ?
JJN : Effectivement, de mon passage par la poésie, j'ai gardé la volonté d'une écriture dense, précise et travaillée. D'où ma difficulté d'écrire long (ou vite), qui provient moins d'un manque de matière que d'une impossibilité à me " lâcher ". Je travaille beaucoup mes textes, je suis plutôt perfectionniste, un peu maniaque. Est-ce un manque de confiance ? Une politesse pour le lecteur ? Je compose plusieurs versions successives d'un texte, alternant écriture manuscrite et écriture à l'ordinateur, en laissant reposer plusieurs semaines entre chaque version.

RF : La plupart de vos textes déroulent un univers légèrement décalé, à peine différent du nôtre, où l'absurde et le décalage produisent des chutes inattendues. Imaginez-vous vos ambiances et vos situations en fonction d'une chute prévue d'avance, ou la chute naît-elle logiquement de la situation que vous avez mise en place ?
JJN : Je travaille d'une façon très particulière, sans ordre ni logique. Je note sur un cahier toutes les idées qui me passent par la tête, elles concernent plusieurs idées de textes à la fois, voire aucune idée, du texte pur. Il y a des débuts, des fins, des milieux, plein de milieux, des phrases séparées. Quand j'ai assez de matière, je regroupe ces fragments de textes sur plusieurs projets de nouvelles qui sont pour ainsi dire faufilées. Ensuite je travaille chaque nouvelle séparément en plusieurs versions successives. C'est laborieux ! La chute, quand elle existe (car je ne crois pas qu'une nouvelle doit forcément comporter une chute surprenante), peut me venir avant l'écriture du texte (que j'invente à l'envers), ou surgir en cours, ou venir avec difficulté (mon texte est presque écrit mais il manque une bonne fin). Je n'ai pas de procédé régulier.

RF : Votre regard sur le monde, souvent humoristique, parfois désabusé, n'est jamais vraiment méchant. Ce qui le rend d'autant plus pertinent. La méchanceté n'a-t-elle aucune valeur littéraire à vos yeux ?
JJN : Il m'est arrivé d'être méchant dans mes chroniques ou mes critiques, principalement du temps de la revue Casse. Ma cruauté critique suscitait des polémiques, me valait des inimitiés, des haines, des injures, et avec le recul ces pratiques me paraissent négatives. Dans mon œuvre, je crois en revanche être incapable de méchanceté. L'humour est une façon de tenir ce sentiment à distance, et je suis semblable au fond à tous ces personnages dont je dénonce les travers. La méchanceté pure, telle qu'on peut la lire sous la plume d'une romancière très à la mode, est un sentiment inutile et stérile, et donne une œuvre sans hauteur, sans profondeur. Au contraire, des auteurs qui ont la vision la plus noire et " terrible " de l'humanité, qui sont d'une extrême dureté avec leurs semblables, comme Thomas Bernhard (et sa détestation de ses contemporains), Céline, ou même Houellebecq si controversé, montrent derrière leur pessimisme une réelle compassion. Pour moi, la compassion est la marque des plus grands.

RF : Le thème de l'écriture est très présent dans ce que vous faites, et vous parvenez sans cesse, à mon sens, à trouver de nouveaux angles pour l'aborder. Aimeriez-vous écrire sur d'autres sujets ? Et si oui, lesquels ?
JJN : Ce thème est très présent, trop présent. Mes héros sont des écrivains, ils lisent ou écrivent, et s'ennuient le reste du temps. J'espère simplement que les sentiments qui traversent ces personnages très particuliers relèvent de l'universel, pour que les lecteurs non écrivains s'y reconnaissent, se retrouvent dans une fraternité. Le thème de l'écriture est devenu obsessionnel ces dernières années, presque exclusif, j'ai eu besoin d'épuiser ce sujet. Je crois qu'il restera constant dans mon œuvre (tout écrivain l'aborde à sa façon, c'est la réflexion sur son art, le roman dans le roman, etc.) ; mais qu'il va se combiner avec d'autres thèmes. Les derniers textes que je suis en train d'écrire vont dans cette voie.

RF : Vous êtes l'un des auteurs les plus publiés en revues. Cela prouve que votre travail séduit beaucoup de monde. Malgré cela, aucun grand éditeur n'a encore fait le pari d'éditer un de vos recueils. Pouvez-vous expliquer cela ? Les textes courts sont-ils condamnés, en France, à ne paraître qu'en périodiques ou chez des petits éditeurs ?
JJN : Ce n'est pas faute de les soumettre aux éditeurs ; j'ai beaucoup enrichi la Poste avec mes envois de manuscrits ! Il y a d'abord une loi générale, qui repose sur des fondements économiques : malgré de rares exceptions (dont Gavalda), les éditeurs préfèrent qu'un auteur inconnu leur soumette un roman. Le Seuil et Grasset renvoient sans les lire les recueils de textes, indiquant par une circulaire qu'ils n'acceptent pas les " textes séparés ". J'ai fini par en prendre mon parti. Je publie mes nouvelles dans des revues littéraires ou sur des sites internet avant de les rassembler en recueils chez des " petits éditeurs " ; l'important, c'est de parvenir à toucher quelques lecteurs.

RF : Vous avez publié, entre 1993 et 1996, la revue Casse, à Lyon. Qu'avez-vous retiré de cette expérience ?
JJN : Un mélange de joies et de déceptions. J'ai aimé la fidélité attentive de nombreux abonnés, la possibilité de révéler de nouveaux talents, l'amitié de certaines revues, qui formaient avec Casse une sorte de famille, une communauté créatrice. Je pense notamment au Cri d'Os, à Rétro-Viseur... Une de mes plus grandes joies a été la victoire de Casse sur la commission paritaire des publications et agences de presse (cppap). Le jugement définitif du Conseil d'Etat en date du 17 mars 95, rétablissant la revue Casse dans ses droits au régime postal des périodiques, a été non seulement une heureuse nouvelle pour les finances de la revue, mais au-delà, une jurisprudence essentielle pour les petites publications, qui ont pu invoquer ce jugement dans leurs conflits avec l'administration. La déception tient à toutes les polémiques qui se sont développées autour de la revue, dont j'étais certes largement responsable, mais je suis sorti meurtri de certains mauvais échanges. Casse a été aussi victime de l'image fracassante de ses débuts. Alors qu'au fil des numéros je cherchais à gagner en sérieux et en professionnalisme, à tirer la revue vers un magazine plus ouvert et généraliste, on continuait à me coller sur le dos l'image du râleur de service, du subversif... J'ai compris que, quels que soient mes efforts, je ne parviendrais jamais à renverser l'image. D'où ma décision d'arrêter après 4 ans (qui s'explique aussi par la lassitude de l'homme orchestre)…

RF : En tant que chroniqueur de revues pour différents magazines, et auteur de " La revue, mode d'Emploi " (Calcre, 2000), vous possédez un regard très précis, et très informé sur le monde mouvant des revues. Comment pourriez-vous le caractériser en quelques mots ?
JJN : J'ai toujours été naturellement curieux des revues et je leur dois beaucoup : ayant du mal à intéresser des éditeurs à ma production, je peux au moins publier des extraits ou des nouvelles dans les périodiques. La raison d'être des revues est précisément de donner des chances aux auteurs, de petits espaces de sortie, de leur permettre de ne pas désespérer. La variété et le nombre des revues (les disparitions sont toujours compensées par des naissances) offrent un immense espace parallèle à l'édition, et certains auteurs n'y pensent pas assez. Mais la satisfaction d'une parution en revue est sans lendemain, sans retombée, alors que la publication d'un livre est un véritable événement dans la vie d'un auteur. La situation des revuistes n'est pas facile. Quand je publiais Casse, je dépassais allégrement les 200 abonnés, et n'avais aucun souci financier. Aujourd'hui, de très nombreuses revues, malgré une certaine notoriété, malgré le dynamisme de leurs responsables, parviennent difficilement à atteindre ou à dépasser le seuil de 100 abonnés. Si vous enlevez tous ceux qui s'abonnent par opportunité, dans l'espoir d'être publié, il reste peu de lecteurs réels et désintéressés ! La revue littéraire traverse une crise, qui ne s'explique pas seulement par la concurrence des webzines (très différents de la revue papier), mais par la perte de crédit de la littérature. Je crois que les nouvelles générations sont moins curieuses de la littérature. Heureusement pour les auteurs, les revues s'obstinent, malgré ce contexte défavorable. Dans l'effervescence des créations et des cessations de titres, une revue doit compter sur la durée, savoir se renouveler en restant fidèle à son identité et diversifier ses moyens de diffusion. Les grandes revues sont celles qui restent.