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dimanche, 20 juillet 2008

Une lecture intégrale et collective de Proust

Lire l'intégrale de A la recherche du temps perdu de Proust avec un maximum de voix : c'est le projet que Véronique Aubouy a conçu avec "Le Baiser de la Matrice", web-tournage d'une lecture collective et mondiale, ouverte à tous les internautes francophones dotés d'un micro et d'une webcam.
Pour participer et recevoir fin septembre la page de la Recherche qui vous sera attribuée par la "matrice", vous pouvez vous inscrire dès maintenant et pendant tout l'été sur le blog d'inscription :
http://www.lebaiserdelamatrice.fr/

L'enregistrement aura lieu en direct à partir du site, du 27 septembre au 12 octobre.
La lecture sera visible en direct ou en différé sur le site Internet, ainsi qu'au théâtre Paris-Villette pendant le temps du tournage.

 

« Avec "Le Baiser de la Matrice" je propose à plus de 3000 personnes du monde entier de lire devant leur web-caméra une page de A la Recherche du temps perdu de Marcel Proust. Au terme de cette expérience, tous les mots de la Recherche auront été lus en français, par des personnes de tous horizons, en un film de 170 heures environ. Le web-tournage se déroulera en direct sur Internet à partir du 27 Septembre 2008 midi GMT. Il est ouvert à tous. Je vous invite dès aujourd'hui à vous inscrire sur ce blog et à inviter des amis pour construire la cartographie réseau du "Baiser de la Matrice". » (Véronique Aubouy)

 

jeudi, 17 juillet 2008

Dickens House

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Charles Dickens passa un peu plus de deux ans, de 1837 à 1839, dans cette maison située à Londres, 48 Doughty Street, dans le quartier de Bloomsbury. Il y rédigea Oliver Twist et Nicholas Nickleby.

Cette maison, transformée en musée, agréable à visiter, expose des portraits, lettres, manuscrits, éditions originales, ainsi que des objets et mobiliers personnels du romancier.

On peut y voir notamment le beau tableau inachevé (et peut-être plus beau d'être resté inachevé) de Robert William Buss, "Dickens's Dream", qui met en scène l'auteur plongé dans un rêve peuplé de ses créatures romanesques.

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vendredi, 04 juillet 2008

Le livre numérique (suite)

J'ai relevé dans le "rapport sur le livre numérique", de Bruno Patino, cette information intéressante sur une nouvelle forme de diffusion de la littérature :

 

« Le marché japonais des livres numériques est aujourd'hui le plus développé au monde : il représente 3 % du marché national de l'édition (environ 250 millions d'euros) et poursuit une forte croissance depuis 2003. Certaines prévisions estiment que les livres numériques atteindraient 10 % de part de marché au Japon en 2011.

Le développement d'usages radicalement nouveaux est au coeur de ce développement numérique. Des formats spécifiques ont connu un vif engouement auprès d'une clientèle jeune, habituée au numérique. En deux ans, le roman pour téléphone portable, visant un public d'adolescentes, est devenu un segment majeur du marché du livre : la moitié des dix best-sellers sur papier de l'année 2007 sont sortis à l'origine en feuilleton numérique pour téléphones mobiles. Le plus connu, Koisora (Lien d'amour), s'est vendu à 1,5 million d'exemplaires. Le manga numérique est au coeur de ce développement : 40 % des lecteurs de livres électroniques en lisent.

L'offre de contenus s'est considérablement étoffée, grâce à des distributeurs de livres numériques, comme eBookJapan avec 120 000 titres ou Papyless, avec un catalogue de 80 000 ouvrages, et grâce à des fabricants de contenus proposant des offres intégrées de terminaux et de contenus, comme Sony avec TimeBook Town ou Panasonic avec Words Gear. Au total, ce sont donc des usages nouveaux, notamment de lecture sur des écrans de petite taille, qui ont fait évoluer le marché. Bien sûr, l'idéogramme et la lecture verticale sont plus à l'aise que l'alphabet et la lecture horizontale sur un petit écran : la question de l'usage renvoie à celle du support : un nouvel outil a-t-il fait naître un nouvel usage ? »

 

Mais, poursuit le rapport, le livre papier a encore de beaux jours devant lui :

« La version papier est il est vrai un modèle assez époustouflant : mobilité, présence d'un moteur de recherche sous forme d'index, système en partie ouvert (on peut écrire dessus, corner les pages, voire, in fine, les déchirer), autonomie parfaite (aucune source d'énergie n'est nécessaire), possibilité d'usage en tous lieux, et chargement instantané et définitif lors de l'acte d'achat. »

 

Drôle d'idée que d'écrire sur les livres, de les corner et les déchirer ! Seul un esprit qui aurait déjà basculé dans le numérique (ou un sauvage) peut tenir de tels raisonnements...

 

Le rapport : 

 http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/0...

 *

A noter, par ailleurs, une autre réflexion sur le même thème, "Accueillir le numérique, une mutation pour la librairie et le commerce du livre",  menée par l'Alire (Association des librairies informatisées et utilisatrices de réseaux électroniques) et le SLF (Syndicat de la librairie française) :

http://www.accueillirlenumerique.com/

 

lundi, 30 juin 2008

Le livre numérique

Quels sont les défis portés par la « révolution » numérique pour les acteurs de l'édition (auteurs, éditeurs, distributeurs, libraires, etc.) ?

Après la musique, le cinéma, la presse, la photographie, le livre vit à son tour les expérimentations, les innovations et les mises en réseaux que permettent des contenus dématérialisés. C'est dans ce contexte que Bruno Patino a été chargé par la Ministre de la culture et de la communication d'une mission sur le livre numérique. La commission présidée par M. Patino revient sur l'histoire et les caractéristiques de l'univers numérique, pour aboutir plus particulièrement à la place du livre au sein de celui-ci. Elle observe notamment que le livre a bénéficié, contrairement à d'autres biens culturels tels que la musique ou le cinéma, d'une « maturation plus lente ». Consciente de l'éventuelle accélération de l'entrée de l'édition dans l'univers numérique, la commission préconise une série de mesures organisées au sein de quatre actions : promotion d'une offre légale attractive ; défense de la propriété intellectuelle ; mise en place de mécanismes permettant aux détenteurs de droits d'avoir un rôle central dans la détermination des prix ; conduite d'une politique active auprès des institutions communautaires.

Pour lire le rapport en ligne, sur le site de la Documentation française :
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/0...

mardi, 17 juin 2008

Pour la langue française

A l'heure où la langue française disparaît comme langue internationale au profit de l'anglais et de l'espagnol, on peut s'inquiéter, comme le fait l'Académie française, du vote des députés visant à la reconnaissance des langues régionales dans la Constitution :

 

(Cette déclaration a été votée à l'unanimité par les membres de l'Académie française dans sa séance du 12 juin 2008).

Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la République est le français ».

Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l’identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase commence par les mots : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase terminale : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».

Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?

Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il s’agit du droit des droits, la Constitution.

Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet d'une politique.

Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.

 

http://www.academie-francaise.fr/actualites/index.html

 

Voir aussi la réaction salutaire de Pierre Assouline :

 http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/06/18/si-je-toubli...

 

 

samedi, 31 mai 2008

Faire du blog avec de l'ancien

Dans livre & lire n° 233 de juin, le mensuel du livre en Rhône-Alpes publié par l’ARALD, Frédérick Houdaer consacre sa chronique régulière « ecrits.net » à deux blogs : Solko et L’annexe.

 

"Faire du blog avec de l'ancien"

« Rares sont les blogs d’auteurs d’aujourd’hui qui s’intéressent aux « inconnus illustres » ayant enrichi le patrimoine littéraire lyonnais. Deux exceptions :

Solko, le blog de Roland Thévenet, qui nous offre de nombreuses et riches notes consacrées à Gabriel Chevallier, Nizier du Puitspelu, Tancrède de Visan et bien d’autres. L’esprit canut semble habiter Thévenet, qui reconnaît lui-même « collectionner maladivement les auteurs lyonnais parfaitement oubliés ». Il n’en oublie pas pour autant leurs frères d’infortune, les peintres que sont Pierre Combet Descombes, François-Auguste Ravier et François Vernay (voir les écrits d’un Béraud sur nombre d’entre eux).

L’annexe, de Jean-Jacques Nuel.

Nuel, romancier, poète, fin connaisseur du monde des revues ainsi que de la blogosphère, est l’auteur d’une biographie du croix-roussien Joséphin Soulary. C’est avec la même aisance qu’il parlera de Joyce ou de Houellebecq !

Nulle taxidermie littéraire dans les exercices d’admiration de Thévenet et de Nuel, mais bien plutôt un travail de réhabilitation opiniâtre, loin des modes et des postures avantageuses (on notera leur passion commune pour Léon Bloy). »

 

On peut télécharger livre&lire sur le site de l’Arald.

vendredi, 23 mai 2008

30 ans d'écriture

Cet entretien, réalisé par Roland Fuentès, a été publié dans le numéro 22 de la revue Harfang en mai 2003. J'y changerais aujourd'hui peu de choses, sinon le titre : bientôt 40 ans d'écriture !


Roland Fuentès : Jean-Jacques Nuel, d'où vous est venu le goût de l'écriture ? Et depuis quand écrivez-vous ?
JJN : Il faudrait un livre entier pour répondre ! J'écris depuis l'âge de 16-17 ans. J'ai ensuite poursuivi l'écriture, avec parfois de longues interruptions de plusieurs années, mais sans jamais perdre de vue l'idée que j'étais un écrivain. Je me suis toujours pensé écrivain, et peut-être avant même d'écrire, quand dans ma petite enfance je réalisais des livres vierges. D'où est venu le déclic ? D'abord de mes lectures d'adolescence, essentiellement poétiques : Baudelaire, Rimbaud, Lautréamont, Alfred de Musset, qui m'ont donné envie d'imiter. Et puis une rédaction, imposée par un prof de français, et dont le sujet devait particulièrement m'inspirer, a été l'occasion de mon premier travail de création, je n'ai pas compté mes heures, j'ai oublié le temps, je suis complètement sorti du cadre du devoir scolaire pour entrer dans celui de la littérature. Ensuite, l'écriture est devenue une passion régulière, un ami au lycée écrivait lui aussi, je lui montrais mes poèmes et mes premières nouvelles. Voici quelques repères conscients ; au fond, on ne sait pas pourquoi on écrit, la programmation est si lointaine, si enfouie, si complexe qu'elle nous échappe.

RF : Vous souvenez-vous de votre première publication ?
JJN : Un souvenir ineffaçable, car j'ai vécu l'un des moments les plus violents de ma vie. Au printemps 2004, je fêterai le 30e anniversaire ( !) de cette publication dans une revue disparue depuis longtemps : Syllepses, une revue littéraire de Grenoble. Mes premières publications ont l'intensité de mes premiers émois amoureux ! Je me souviens de la lettre d'acceptation, je la relisais sans cesse, je la portais sur moi. J'ai attendu la parution avec une terrible impatience. J'étais très fier, sans me rendre compte que c'était finalement peu de chose.

RF : Vous avez écrit beaucoup de poésie à vos débuts ; vous avez même publié chez Cheyne un très beau recueil : "Du pays glacé salin". Et puis vous avez tourné le dos à la poésie. Pourquoi ?
JJN : Deux recueils ont immédiatement suivi Du pays glacé salin : Immenses, au Pré de l'Age (qui vient d'ailleurs d'être réédité au Pré Carré) et Noria aux éditions Pleine Plume. J'avais choisi une voie d'ascèse, de pauvreté, d'économie de mots, elle m'a conduit au silence. Je n'avais plus rien à dire en poésie. Je suis donc revenu à la prose, dans laquelle je me sens bien plus libre. J'arrive à exprimer par la prose tout ce que j'écrivais en poésie, et j'exprime bien d'autres choses, ne serait-ce que l'humour, la dérision. Ma dimension de créateur a besoin de tout l'espace de la prose. Je décris bien sûr un fonctionnement personnel, cela n'a pas valeur de règle ni de théorie. Chacun doit trouver le genre littéraire qui lui convient le mieux, étant précisé qu'à mes yeux, il n'existe aucune hiérarchie des genres : la main à poésie vaut la main à prose (et vice-versa).

RF : Votre écriture est très précise. Il semble que vous ayez conservé de la poésie un goût pour la concision et la justesse de l'image. Travaillez-vous beaucoup votre écriture ?
JJN : Effectivement, de mon passage par la poésie, j'ai gardé la volonté d'une écriture dense, précise et travaillée. D'où ma difficulté d'écrire long (ou vite), qui provient moins d'un manque de matière que d'une impossibilité à me " lâcher ". Je travaille beaucoup mes textes, je suis plutôt perfectionniste, un peu maniaque. Est-ce un manque de confiance ? Une politesse pour le lecteur ? Je compose plusieurs versions successives d'un texte, alternant écriture manuscrite et écriture à l'ordinateur, en laissant reposer plusieurs semaines entre chaque version.

RF : La plupart de vos textes déroulent un univers légèrement décalé, à peine différent du nôtre, où l'absurde et le décalage produisent des chutes inattendues. Imaginez-vous vos ambiances et vos situations en fonction d'une chute prévue d'avance, ou la chute naît-elle logiquement de la situation que vous avez mise en place ?
JJN : Je travaille d'une façon très particulière, sans ordre ni logique. Je note sur un cahier toutes les idées qui me passent par la tête, elles concernent plusieurs idées de textes à la fois, voire aucune idée, du texte pur. Il y a des débuts, des fins, des milieux, plein de milieux, des phrases séparées. Quand j'ai assez de matière, je regroupe ces fragments de textes sur plusieurs projets de nouvelles qui sont pour ainsi dire faufilées. Ensuite je travaille chaque nouvelle séparément en plusieurs versions successives. C'est laborieux ! La chute, quand elle existe (car je ne crois pas qu'une nouvelle doit forcément comporter une chute surprenante), peut me venir avant l'écriture du texte (que j'invente à l'envers), ou surgir en cours, ou venir avec difficulté (mon texte est presque écrit mais il manque une bonne fin). Je n'ai pas de procédé régulier.

RF : Votre regard sur le monde, souvent humoristique, parfois désabusé, n'est jamais vraiment méchant. Ce qui le rend d'autant plus pertinent. La méchanceté n'a-t-elle aucune valeur littéraire à vos yeux ?
JJN : Il m'est arrivé d'être méchant dans mes chroniques ou mes critiques, principalement du temps de la revue Casse. Ma cruauté critique suscitait des polémiques, me valait des inimitiés, des haines, des injures, et avec le recul ces pratiques me paraissent négatives. Dans mon œuvre, je crois en revanche être incapable de méchanceté. L'humour est une façon de tenir ce sentiment à distance, et je suis semblable au fond à tous ces personnages dont je dénonce les travers. La méchanceté pure, telle qu'on peut la lire sous la plume d'une romancière très à la mode, est un sentiment inutile et stérile, et donne une œuvre sans hauteur, sans profondeur. Au contraire, des auteurs qui ont la vision la plus noire et " terrible " de l'humanité, qui sont d'une extrême dureté avec leurs semblables, comme Thomas Bernhard (et sa détestation de ses contemporains), Céline, ou même Houellebecq si controversé, montrent derrière leur pessimisme une réelle compassion. Pour moi, la compassion est la marque des plus grands.

RF : Le thème de l'écriture est très présent dans ce que vous faites, et vous parvenez sans cesse, à mon sens, à trouver de nouveaux angles pour l'aborder. Aimeriez-vous écrire sur d'autres sujets ? Et si oui, lesquels ?
JJN : Ce thème est très présent, trop présent. Mes héros sont des écrivains, ils lisent ou écrivent, et s'ennuient le reste du temps. J'espère simplement que les sentiments qui traversent ces personnages très particuliers relèvent de l'universel, pour que les lecteurs non écrivains s'y reconnaissent, se retrouvent dans une fraternité. Le thème de l'écriture est devenu obsessionnel ces dernières années, presque exclusif, j'ai eu besoin d'épuiser ce sujet. Je crois qu'il restera constant dans mon œuvre (tout écrivain l'aborde à sa façon, c'est la réflexion sur son art, le roman dans le roman, etc.) ; mais qu'il va se combiner avec d'autres thèmes. Les derniers textes que je suis en train d'écrire vont dans cette voie.

RF : Vous êtes l'un des auteurs les plus publiés en revues. Cela prouve que votre travail séduit beaucoup de monde. Malgré cela, aucun grand éditeur n'a encore fait le pari d'éditer un de vos recueils. Pouvez-vous expliquer cela ? Les textes courts sont-ils condamnés, en France, à ne paraître qu'en périodiques ou chez des petits éditeurs ?
JJN : Ce n'est pas faute de les soumettre aux éditeurs ; j'ai beaucoup enrichi la Poste avec mes envois de manuscrits ! Il y a d'abord une loi générale, qui repose sur des fondements économiques : malgré de rares exceptions (dont Gavalda), les éditeurs préfèrent qu'un auteur inconnu leur soumette un roman. Le Seuil et Grasset renvoient sans les lire les recueils de textes, indiquant par une circulaire qu'ils n'acceptent pas les " textes séparés ". J'ai fini par en prendre mon parti. Je publie mes nouvelles dans des revues littéraires ou sur des sites internet avant de les rassembler en recueils chez des " petits éditeurs " ; l'important, c'est de parvenir à toucher quelques lecteurs.

RF : Vous avez publié, entre 1993 et 1996, la revue Casse, à Lyon. Qu'avez-vous retiré de cette expérience ?
JJN : Un mélange de joies et de déceptions. J'ai aimé la fidélité attentive de nombreux abonnés, la possibilité de révéler de nouveaux talents, l'amitié de certaines revues, qui formaient avec Casse une sorte de famille, une communauté créatrice. Je pense notamment au Cri d'Os, à Rétro-Viseur... Une de mes plus grandes joies a été la victoire de Casse sur la commission paritaire des publications et agences de presse (cppap). Le jugement définitif du Conseil d'Etat en date du 17 mars 95, rétablissant la revue Casse dans ses droits au régime postal des périodiques, a été non seulement une heureuse nouvelle pour les finances de la revue, mais au-delà, une jurisprudence essentielle pour les petites publications, qui ont pu invoquer ce jugement dans leurs conflits avec l'administration. La déception tient à toutes les polémiques qui se sont développées autour de la revue, dont j'étais certes largement responsable, mais je suis sorti meurtri de certains mauvais échanges. Casse a été aussi victime de l'image fracassante de ses débuts. Alors qu'au fil des numéros je cherchais à gagner en sérieux et en professionnalisme, à tirer la revue vers un magazine plus ouvert et généraliste, on continuait à me coller sur le dos l'image du râleur de service, du subversif... J'ai compris que, quels que soient mes efforts, je ne parviendrais jamais à renverser l'image. D'où ma décision d'arrêter après 4 ans (qui s'explique aussi par la lassitude de l'homme orchestre)…

RF : En tant que chroniqueur de revues pour différents magazines, et auteur de " La revue, mode d'Emploi " (Calcre, 2000), vous possédez un regard très précis, et très informé sur le monde mouvant des revues. Comment pourriez-vous le caractériser en quelques mots ?
JJN : J'ai toujours été naturellement curieux des revues et je leur dois beaucoup : ayant du mal à intéresser des éditeurs à ma production, je peux au moins publier des extraits ou des nouvelles dans les périodiques. La raison d'être des revues est précisément de donner des chances aux auteurs, de petits espaces de sortie, de leur permettre de ne pas désespérer. La variété et le nombre des revues (les disparitions sont toujours compensées par des naissances) offrent un immense espace parallèle à l'édition, et certains auteurs n'y pensent pas assez. Mais la satisfaction d'une parution en revue est sans lendemain, sans retombée, alors que la publication d'un livre est un véritable événement dans la vie d'un auteur. La situation des revuistes n'est pas facile. Quand je publiais Casse, je dépassais allégrement les 200 abonnés, et n'avais aucun souci financier. Aujourd'hui, de très nombreuses revues, malgré une certaine notoriété, malgré le dynamisme de leurs responsables, parviennent difficilement à atteindre ou à dépasser le seuil de 100 abonnés. Si vous enlevez tous ceux qui s'abonnent par opportunité, dans l'espoir d'être publié, il reste peu de lecteurs réels et désintéressés ! La revue littéraire traverse une crise, qui ne s'explique pas seulement par la concurrence des webzines (très différents de la revue papier), mais par la perte de crédit de la littérature. Je crois que les nouvelles générations sont moins curieuses de la littérature. Heureusement pour les auteurs, les revues s'obstinent, malgré ce contexte défavorable. Dans l'effervescence des créations et des cessations de titres, une revue doit compter sur la durée, savoir se renouveler en restant fidèle à son identité et diversifier ses moyens de diffusion. Les grandes revues sont celles qui restent.