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lundi, 03 août 2009

Jean-Pierre Brisset (1837-1919)

LA SALOPERIE


Voici les salauds pris ; ils sont dans la sale eau pris, dans la salle aux pris, dans la salle aux prix. Les pris étaient les prisonniers que l'on devait égorger. En attendant le jour des pris qui était aussi celui des prix, on les enfermait dans une salle, une eau sale, où on leur jetait des saloperies. Là, on les insultait, on les appelait salauds. Le pris avait du prix. On le dévorait et, pour tendre un piège, on offrait du pris et du prix : c'est du prix. - C'est duperie, répondait le sage. N'accepte pas de prix, ô homme, c'est duperie.

in La science de Dieu

D'autres textes de ce "fou littéraire" sont à lire sur le blog de la revue Casse.

jeudi, 02 juillet 2009

Revue de détail n° 18

(Cette chronique est parue dans Le Magazine des Livres n° 17)

IN-FUSION n° 3

Dirigée par Nicolas Cotten et Hechmi Harbaoui, In-fusion est une revue culturelle à vocation littéraire, paraissant trois fois par an. Elle a d'emblée deux atouts : son format 15 x 19 original et pratique, et son mélange des genres, puisqu'elle s'intéresse aux écrivains, poètes comme prosateurs, mais aussi à la chanson, au dessin, au cinéma, au théâtre.

Dans une présentation simple et élégante, elle consacre ce numéro au thème du voyage et aurait pu s'intituler « le tour du monde en 132 pages ». L'édito donne le ton : « La seule évocation de ce mot (voyage) qui fait tant rêver nous ramène à nos origines, autrement dit, aux temps où nous étions tous « des gens du voyage », tous des nomades. La vie elle-même, me semble-t-il, peut être considérée comme un voyage. » La pièce de choix de cet ensemble est un « Journal de Babo » livré par le comédien-écrivain Bernard Giraudeau, un voyage initiatique très émouvant. Des collaborateurs connus (David Abiker, Jérôme Attal, Philippe de Boissy...) côtoient de nouvelles plumes. Enfin, chose rare dans une revue culturelle, un courrier des lecteurs permet un dialogue avec le public. On souhaiterait juste davantage d'audace dans le choix des sujets, car l'éloge du voyage, de la banlieue, de l'écologie, n'est-ce pas trop « politiquement correct » par les temps qui courent ?

In-fusion, 20 rue Pierre Boudou, 92600 Asnières sur Seine. 132 pages. 12 €.

www.in-fusion.org

 

mercredi, 01 juillet 2009

Revues littéraires : table

Depuis son ouverture, le blog L'Annexe a publié, dans sa Catégorie Revues littéraires de nombreux articles sur les périodiques de création littéraire, constituant au fil des mois une base de ressources consacrée aux revues.

(pour que tout apparaisse, choisir au bas de la page « Toutes les notes »)

 

 

Ont été chroniquées les revues suivantes :

 

Amer, revue finissante n° 2

L'Anacoluthe n° 12

Archipel n° 25

L'Atelier du Roman n° 45, 55

La Barbacane n° 85/86

Brèves n° 76, 77

Le Canard en plastic n° 2, 3

Carbone n° 1 et 2

Casse

Codex Atlanticus n° 16

Comme en Poésie n° 35

Contrelittérature n° 19

Europe n° 921-922, 923

La Faute à Rousseau, n° 40, 42, 48

Fiction n° 2

Le Grognard n° 1, 5, 7, 8

Harfang n° 31

Hauteurs n° 17, 18

Iciélà n° 3

Il Particolare n° 15 & 16

impur n° 1

Inculte n° 9

Le Jeté du matin n° 9

Le Journal de la Culture n° 16

Le Journal des Lointains n° 2

Les Moments littéraires n° 15, 16, 20

La Petite Revue de l'Indiscipline n° 165

Mercure n° 1 & 2/3

Mercure Liquide n° 4

Passage d'encres n° 26

Poésie Première n° 33, 39

La Presse Littéraire

Salmigondis n° 21

Sarrazine n° 8 bis

Siècle 21 n° 13

La Soeur de l'ange n° 3, 4

Supérieur Inconnu n° 2

Tissage n° 4

Tsimtsoûm n° 1

Voix d'encre n° 34

 

Entretiens avec les responsables des revues :

Nouvelle Donne (Christian Cougiu)

La Nouvelle Tour de Feu (Michel Héroult)

Passage d'encres (Christiane Tricoit)

 

Divers :

ARPO

Brèves et la CPPAP

De la dangerosité de la fonction de critique

La protection du titre d'une revue

Publier en revues au Québec

 

lundi, 15 juin 2009

Malbosque, de Gilles Bailly

«La terrasse s'avance sur une portion entièrement écroulée du mur d'enceinte. Nous surplombons la chevelure noire de la forêt qui s'étend à perte de vue. Nous avons sorti deux transats. Lui fume une pipe d'eucalyptus. Moi je hume le souffle de la canopée. Je sens la présence réconfortante des arbres. Mais leur contact me manque. J'ai erré une partie de la soirée dans les entrailles d'une gigantesque bête qui m'a digéré lentement. J'ai senti croître en moi quelque chose de sombre, remontant du fond des âges.»

 

malbosque_vignette.gifUn écrivain raté qui part chercher l'inspiration dans la France profonde, un mystérieux village qui se déplace, un pacte avec le règne végétal, une expérience de reconversion civilisationnelle, un périple dans les entrailles de la terre, une Europe en cours de balkanisation: Malbosque est un recueil dont les nouvelles auraient fusionné en une seule entité, un récit de facture composite dans lequel se côtoient des éléments relevant à la fois du réalisme, du fantastique, du nonsense, de la science-fiction et du surréalisme. Le ton, souvent décalé, ne tempère jamais vraiment un lyrisme assumé et une compassion affichée pour la condition humaine. L'errance des personnages au coeur d'un monde tourmenté, au bord du gouffre, les conduira, de métamorphose en métamorphose, jusqu'à l'inévitable communion qui réconciliera tous les éléments de la Création.

 

Gilles Bailly, que l'on a connu animateur de la revue Salmigondis (avec Roland Fuentès), publie aux éditions La Clef d'Argent ce premier roman, lequel inaugure la nouvelle collection FiKhThOn (romans étranges et fantastiques, insolites et inclassables).

ISBN 978-2-908254-72-3 - 12 Euros.

Le site de l'éditeur : La Clef d'Argent
 

lundi, 18 mai 2009

Revue de détail n° 17

(Cette chronique est parue dans le magazine des livres n° 16.)


LE GROGNARD n° 8

 

grognard8.jpgLe Grognard a pour lui deux atouts : son nom qui annonce la couleur et son bel aspect (papier bouffant, couverture sur Centaure Ivoire 250 g et lettrines à l’imitation de certaines revues prestigieuses du 19e siècle). S’ouvrant sur une nouvelle habile et bien écrite d’Alain Nadaud, il présente, fidèle à son objectif de redécouvrir des auteurs un peu oubliés des deux siècles précédents, Benjamin Fondane. L’œuvre de Fondane (1898-1944) n’est pas très connue en France, si on la compare à d’autres penseurs d’origine roumaine, comme Emil Cioran. Un entretien avec Olivier Salazar-Ferrer, qui lui a consacré un livre, permet de faire connaissance avec cet auteur : « C’est une œuvre d’insoumission. Partie d’une certaine fascination pour la forme poétique symboliste, pour la perfection formelle et ses enchantements, elle s’en sépare très tôt pour la briser, pour loger dans son autonomie formelle, mallarméenne, des dissonances, des accords faux et terriblement humains qui expriment plus complètement notre humanité que des accords parfaits. »

Au sommaire également, Stéphane Prat, Pascale Arguedas, Emile Faguet. Stéphane Beau nous distille une série de « Contingences » : « On a trop souvent tendance à mesurer la valeur d’un auteur au nombre des livres qu’il a écrits… J’ai la faiblesse de croire que la valeur d’un auteur devrait surtout se mesurer au nombre des livres qu’il a eu la sagesse de ne pas écrire. »

La revue est désormais diffusée par les éditions du Petit Pavé.

 

Le Grognard, 40 pages, 7 €. http://legrognard.hautetfort.com/

 

mercredi, 06 mai 2009

Le Magazine des Livres devient mensuel

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A compter du numéro 16 (mai 2009), Le Magazine des Livres, animé par Joseph Vebret, devient mensuel.

 

dimanche, 19 avril 2009

Histoires naturelles, de Jules Renard

J'ai redécouvert avec ravissement les Histoires naturelles de Jules Renard. Bien avant Francis Ponge et son Parti pris des choses, Renard a réussi un « parti pris des animaux », chef d'œuvre d'observation et grande leçon de littérature.

Quelques extraits :

 

LE PAPILLON

 

Ce billet doux plié en deux cherche une adresse de fleur.

 

*

 

UNE FAMILLE D'ARBRES

 

C'est après avoir traversé une plaine brûlée de soleil que je les rencontre.

Ils ne demeurent pas au bord de la route, à cause du bruit. Ils habitent les champs incultes, sur une source connue des oiseaux seuls.

De loin, ils semblent impénétrables. Dès que j'approche, leurs troncs se desserrent. Ils m'accueillent avec prudence. Je peux me reposer, me rafraîchir, mais je devine qu'ils m'observent et se défient.

Ils vivent en famille, les plus âgés au milieu et les petits, ceux dont les premières feuilles viennent de naître, un peu partout, sans jamais s'écarter.

Ils mettent longtemps à mourir, et ils gardent les morts debout jusqu'à la chute en poussière.

Ils se flattent de leurs longues branches, pour s'assurer qu'ils sont tous là, comme les aveugles. Ils gesticulent de colère si le vent s'essouffle à les déraciner.

Mais entre eux aucune dispute. Ils ne murmurent que d'accord.

Je sens qu'ils doivent être ma vraie famille. J'oublierai vite l'autre. Ces arbres m'adopteront peu à peu, et pour le mériter j'apprends ce qu'il faut savoir :

Je sais déjà regarder les nuages qui passent.

Je sais aussi rester en place.

Et je sais presque me taire.

 

*

 

LES LAPINS

 

Dans une moitié de futaille, Lenoir et Legris, les pattes au chaud sous la fourrure, mangent comme des vaches. Ils ne font qu'un seul repas qui dure toute la journée.

Si l'on tarde à leur jeter une herbe fraîche, ils rongent l'ancienne jusqu'à la racine, et la racine même occupe les dents.

Or il vient de leur tomber un pied de salade. Ensemble Lenoir et Legris se mettent après.

Nez à nez, ils s'évertuent, hochent la tête, et les oreilles trottent.

Quand il ne reste qu'une feuille, ils la prennent, chacun par un bout, et luttent de vitesse.

Vous croiriez qu'ils jouent, s'ils ne rient pas, et que, la feuille avalée, une caresse fraternelle unira les becs.

Mais Legris se sent faiblir. Depuis hier il a le gros ventre et une poche d'eau le ballonne. Vraiment il se bourrait trop. Bien qu'une feuille de salade passe sans qu'on ait faim, il n'en peut plus. Il lâche la feuille et se couche à côté, sur ses crottes, avec des convulsions brèves.

Le voilà rigide, les pattes écartées, comme pour une réclame d'armurier : On tue net, on tue loin.

Un instant, Lenoir s'arrête de surprise. Assis en chandelier, le souffle doux, les lèvres jointes et l'oeil cerclé de rose, il regarde.

Il a l'air d'un sorcier qui pénètre un mystère.

Ses deux oreilles droites marquent l'heure suprême.

Puis elles se cassent.

Et il achève la feuille de salade.

 

*

 

LA SOURIS

 

Comme, à la clarté d'une lampe, je fais ma quotidienne page d'écriture, j'entends un léger bruit. Si je m'arrête, il cesse. Il recommence, dès que je gratte le papier.

C'est une souris qui s'éveille.

Je devine ses va-et-vient au bord du trou obscur où notre servante met ses torchons et ses brosses.

Elle saute par terre et trotte sur les carreaux de la cuisine. Elle passe près de la cheminée, sous l'évier, se perd dans la vaisselle, et par une série de reconnaissances qu'elle pousse de plus en plus loin, elle se rapproche de moi.

Chaque fois que je pose mon porte-plume, ce silence l'inquiète. Chaque fois que je m'en sers, elle croit peut-être qu'il y a une autre souris quelque part, et elle se rassure.

Puis je ne la vois plus. Elle est sous ma table, dans mes jambes. Elle circule d'un pied de chaise à l'autre.

Elle frôle mes sabots, en mordille le bois, ou hardiment, la voilà dessus!

Et il ne faut pas que je bouge la jambe, que je respire trop fort : elle filerait.

Mais il faut que je continue d'écrire, et de peur qu'elle ne m'abandonne à mon ennui de solitaire, j'écris des signes, des riens, petitement, menu, menu, comme elle grignote.

 

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