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mercredi, 09 mars 2005

La double mémoire de David Hoog

Après un premier article sur le recueil de nouvelles "Douze mètres cubes de littérature", je reproduis un article sur un autre livre de Roland Fuentès - chronique précedemment parue dans la revue Europe n° 907-908

medium_fuentesdmdh.3.jpgRoland FUENTES, La double mémoire de David Hoog, A contrario, 14 €.

Après quelques recueils de nouvelles confidentiels et une belle reconnaissance par le prix Prométhée de la Nouvelle (« Douze mètres cubes de littérature », paru aux éditions du Rocher), Roland Fuentès livre un nouvel ouvrage, un court roman, chez A contrario, éditeur littéraire qui vient de démarrer ses activités en Saône-et-Loire.
Un livre qui nous séduit d’emblée par son inspiration fantastique (il se place dès la citation en exergue sous le signe de Kafka) et son style littéraire sans concession aux maux de l’époque, la facilité et la vulgarité. L’écriture est dense, recherchée sans être précieuse, comme une politesse que l’on rend au lecteur.
Au cours d’une plongée dans les calanques de Marseille, David Hoog a repêché une boîte contenant un message qui lui est destiné. Par ce message, un autre être récemment décédé, un certain Wolf, activiste d’extrême-droite, tente de revivre dans et par Hoog en prenant possession de son esprit. Une jeune fille mystérieuse, Jeanne (dans laquelle s’est réincarnée la compagne morte de Wolf) participe à cette entreprise dévastatrice en le nourrissant de lectures xénophobes. Elle tisse une toile patiente, Hoog perdant progressivement sa mémoire originelle au profit d’une autre, étrangère. Mais son ami d’enfance Bobo, un africain, l’aide à lutter contre cette emprise et à rester fidèle à ses souvenirs.
L’histoire est une sorte de Horla moderne, le héros étant gagné par un autre qui veut prendre sa place. Hoog est pris entre deux passés, deux rêves dont l’un se révèle cauchemar. Mais ce Horla contemporain connaît une fin heureuse, le bien l’emportant au terme d’une lutte très manichéenne (la pitié contre la haine).
On l’avait constaté dans les nouvelles composant le précédent recueil « Douze mètres cubes de littérature » : la psychologie intéresse peu Roland Fuentes, et si l’on privilégiait cette lecture, les caractères (la haine comme seul sentiment du militant extrémiste, la générosité caractérisant l’immigré, etc.) apparaîtraient simplistes. Ce livre est plutôt la chronique des combats pouvant se livrer dans un esprit, et la métaphore de la mer et du plongeur, très présente, n’est pas fortuite. David Hoog découvre lors d’une plongée la boîte contenant le message fatidique par lequel Wolf prend possession de son âme ; à la fin du roman, pour parachever sa victoire sur lui-même, il retournera sous les eaux afin de replacer la boîte où il l’avait prise ; mieux, il la fera glisser dans une fosse sous-marine d’où nul ne pourra plus l’extraire, comme dans les profondeurs les plus secrètes de l’inconscient.
Les descriptions sont particulièrement originales chez Fuentès, car elles ne s’attachent pas au contour objectif des choses ni à leur relevé topographique. L’action se passant à Marseille et dans sa région, tout est dominé par la lumière, le soleil et la mer qui deviennent des composantes du livre. Ce ne sont pas les lignes et les courbes des objets qui se précisent, mais les taches de couleur, les éblouissements de lumière. « Le soleil coule sur la vitre. Du jour fondu se répand dans la pièce. » Ce ne sont pas des paroles distinctes qui se détachent, mais des bruits, des sons, des échos. « Les mots s’évaporent par le toit, le vent les livre en pâture aux oiseaux. » Les corps subissent les variations du vent, de la chaleur ou de l’eau glacée. L’écrivain est un appareil enregistreur des sens, un kaléidoscope de sensations, comme s’il était au centre d’un monde plus global que le simple monde articulé.
Par ce bref roman poétique et maîtrisé, Fuentès confirme ses dons et occupe désormais une place originale et bien affirmée dans le domaine du fantastique littéraire.

20:40 Publié dans Lectures | Lien permanent

dimanche, 06 mars 2005

Bon appétit, Messieurs !

Dans le numéro de Lire de mars, un passionnant dossier sur la réalité économique de l’édition et les nouvelles pratiques, notamment le recours à l’agent littéraire, révélateur de l’évolution des relations entre auteurs et éditeurs.
Mais l’article le plus percutant, signé Daniel Garcia, « Ces auteurs qui vivent de l’argent public » (que vous pourrez lire à partir de ce lien), évoque, pour la première fois me semble-t-il dans un grand magazine, le scandale de l’attribution des bourses et aides aux écrivains. « L’argent du contribuable doit-il encourager la paresse ? Servir d’ascenseur à la médiocrité ? » L’opacité complète sur les critères d’attribution favorise en fait le jeu d’une confrérie de petits auteurs sans talent qui, une fois dans la place, se cooptent et accumulent des aides qui devraient rester exceptionnelles. Bien entendu, toute remise en cause de ces pratiques sera dénoncée par les bénéficiaires comme une « atteinte à la culture » !
L’article décrit la situation au Centre national du livre, mais dans les régions, les offices et autres centres régionaux des lettres connaissent la même situation, où de micro maffias locales s’attribuent le gâteau de l’argent public. Je me promets d’y revenir en détail dans un prochain épisode du « Journal du Nom ».

20:50 | Lien permanent

samedi, 05 mars 2005

Etes-vous people ?

Passablement inquiétant, édifiant, cet éditorial d’Epok, le magazine culturel de la Fnac, dont voici un extrait :
« Les romans de Jules Verne auraient-ils eu le même succès si ses contemporains avaient mieux connu sa personne ? Aurait-il surmonté l’épreuve d’une médiatisation dévoilant un notable des lettres empâté, là où on attendait un croisement de Nicolas Hulot et des frères Bogdanoff ? Ce n’est pas sûr. La personnalité d’un écrivain est devenue un argument déterminant dans la vente de sa prose : il court les salons, dédicace, confère, s’expose à la télévision, parraine des causes, alimente les pages people. Un auteur doté d’une solide repartie et d’un look en adéquation avec sa prose aura une bonne longueur d’avance sur ses concurrents timides, démodés ou sans histoire, quelle que soit par ailleurs la qualité de leurs œuvres respectives. Il faut désormais un talent littéraire exceptionnel pour, comme Modiano, comme Kundera, s’imposer sans se mettre soi-même, en permanence, sur le marché. »

Ainsi, le « succès » d’un livre se mesure à ses chiffres de vente, comme celui d’une émission de télé à son audimat. Rien de bien nouveau certes, mais qu’un magazine dit « culturel » semble trouver ça naturel, voilà qui laisse rêveur… On se prendrait presque à regretter le 19e siècle. Car pour un écrivain, la seule réussite qui vaille n’est-elle pas de rencontrer – non le public – mais son public ; et un lectorat attentif, un carré de mille fidèles ne vaut-il pas mieux qu’un éphémère succès gagné sur un malentendu, un mal-vu, un mal-lu ?

Conseil aux aspirants écrivains du 21e siècle : Ne passez plus autant de temps à lire et à écrire, ça empâte, soignez la représentation : mettez-vous au régime, à la gym, à la chirurgie esthétique, quelques stages de maintien, d’improvisation théâtrale, et foncez ! Je ne veux voir plus qu’une tête, la vôtre, à la télévision.

lundi, 28 février 2005

Publier en revues au Québec

Je mets en ligne un article qui avait été rédigé pour le magazine Ecrire & Editer, mais qui est resté inédit, le numéro spécial sur l’édition au Québec n’ayant jamais vu le jour.

Ayant eu ces dernières années la chance de collaborer à deux grandes revues littéraires au Québec, j’ai pu constater des pratiques fort différentes de celles des revues françaises que je fréquente depuis si longtemps. Certes, les « travaux d’approche » prennent beaucoup de temps, nos amis canadiens mettent longtemps à lire, à répondre, puis à publier. Mais la littérature n’est-elle pas du domaine de l’intemporel ?

XYZ, la revue de la nouvelle, me répond le 17 juin 2001 à mon envoi de textes du 28 mars 2000 ! L’une de mes nouvelles est retenue, le texte demandé sur disquette, la parution prévue fin 2001 ou début 2002. Les épreuves me seront envoyées le 11 juillet 2002, et la nouvelle ne paraîtra finalement qu’en septembre 2002. Il se sera donc écoulé 27 mois entre le premier envoi et la publication ! Mais le résultat vaut l’attente : une belle mise en valeur du texte, dans une revue élégante et professionnelle, l’équivalent de Brèves au Canada. Entre-temps, un contrat d’édition intervient, signé entre l’auteur et l’éditeur, prévoyant la remise de 2 exemplaires gratuits du numéro à l’auteur et une remise de 40 % sur les exemplaires supplémentaires.
« L’auteur demeure propriétaire des droits sur son œuvre mais accorde à l’éditeur l’autorisation de :
- traduire et publier l’œuvre en toute langue sous toute forme et partout dans le monde ;
- adapter et publier l’œuvre pour la radio, la télévision, le théâtre, le cinéma, ou sous forme de bande dessinée, dessin animé, photo-roman ;
- reproduire ou vendre les droits de reproduction de l’œuvre par microfilm, reprographie, disques, ou tout dispositif sonore ou visuel.
L’éditeur versera à l’auteur 70 % de tous les montants reçus par lui en vertu de ces autorisations. »

La revue Art Le Sabord, un peu plus rapide mais pas trop non plus, répond le 19 juin 2002 à mon envoi de textes du 8 janvier 2002, annonçant que l’un d’entre eux paraîtra en septembre 2002. La publication intervient bien à la date prévue, mais mon justificatif expédié « par surface » le 27 septembre ne me parvient que le 5 novembre ! La poste n’a pas le rythme dans le sang… L’objet est magnifique, une publication de conception originale, mêlant l’art et la littérature. Par courrier séparé, je reçois une lettre de la directrice littéraire dont les mots me touchent et me surprennent : « L’équipe de Art Le Sabord se joint à moi pour vous remercier de votre collaboration au cours de l’année. Je tiens à souligner la qualité et la richesse de vos textes. Si, au fil des ans, Art Le Sabord s’est taillé une place de choix dans le milieu littéraire, c’est grâce à vous. » On n’est pas habitué en France à un tel discours. Elle m’offre enfin, comme elle l’avait annoncé dans sa première lettre d’acceptation, un abonnement d’un an (4 numéros) à la revue ou un abonnement cadeau à la personne de mon choix.

Les responsables de revues canadiennes (qui semblent bien subventionnées) ont une relation de qualité avec leurs collaborateurs. Du sérieux dans les échanges de courriers, du professionnalisme, une attention, une véritable considération pour les auteurs, avec une forme de rémunération (non pécuniaire) prévue, explicitée ou contractualisée. De telles pratiques pourraient servir d’exemple à bien des périodiques hexagonaux.

XYZ, la revue de la nouvelle, 1781, rue Saint-Hubert, Montréal, Québec, H2L 3Z1
Art Le Sabord, C.P. 1925, Trois-Rivières, Québec, Canada, G9A 5M6

10:05 Publié dans Revues littéraires | Lien permanent

mardi, 22 février 2005

Lecture à Londres

J'ai découvert par hasard que l'Institut français de Londres organisait le 23 février une lecture sur le thème :

La Vie littéraire ou les affres de l'écrivain

READING GROUP
Discussion of the following books:
Une rentrée littéraire by Christine Arnothy, Fayard, 2004
Cher Editeur by Pierre Leroux, Albin Michel, 2004
Portraits d'écrivains by Jean-Jacques Nuel, Editinter, 2002
Sans songer à mal by Michel Rio, Fayard, 2004

23 Feb | 7.30pm | in French | in the library | free

MULTIMEDIA LIBRARY
17 Queensberry Place
LONDON sw7 2dt
T: 020 7073 1350

04:20 | Lien permanent

lundi, 21 février 2005

L'oeuvre cachée

Rendant compte, dans le dernier Figaro littéraire, de l’ouvrage L’affaire Paméla publié aux éditions Paris-Méditerranée, Jacques de Saint-Victor nous relate une bien étrange histoire. Un universitaire, André Magnan, a retrouvé un ouvrage perdu de Voltaire, livre que l’on avait coutume d’appeler le « Paméla », car le philosophe l’aurait écrit à la façon du Paméla de Richardson, une « histoire en lettres ». En fait, cet ouvrage se trouvait déjà publié dans la Correspondance de Voltaire ; il se composait d’une série de lettres éparses écrites à Mme Denis, sa nièce et amante, et relatives à son séjour à Berlin chez l’empereur Frédéric II. Une œuvre dispersée, éclatée, que M. Magnan a su retrouver, rassembler, recomposer comme un puzzle.

Cette idée d’une œuvre absente, perdue, que l’on cherche partout hors des œuvres complètes, qui se trouve cachée dans l’œuvre même, que l’on a sous les yeux sans pouvoir la reconnaître, est assez vertigineuse.

mercredi, 16 février 2005

Asensio, concrètement

medium_asensio.2.jpgTous ceux qui lisent – comme je le fais régulièrement et depuis de nombreux mois – Juan Asensio sur son blog Stalker – Dissection du cadavre de la littérature se réjouiront de la parution de son essai La littérature à contre-nuit aux éditions A contrario. Enfin un LIVRE, un objet de papier (pour distraire nos yeux de l’écran virtuel), juste retour des choses pour ce formidable lecteur qui aime tant les livres, à la seule condition qu’ils soient essentiels.

Extrait de l’avant-propos :
"Difficulté première de celui qui crée mais ensuite, difficulté de celui qui tente de comprendre la portée de l’œuvre étudiée. La «corne de taureau» chère au Leiris de L’Âge d’homme est donc, conformément à son modèle naturel, double. Autre chose cependant est d’affirmer que cette image d’une œuvre jaillissant de l’informe peut nous aider à comprendre que le langage, donc l’écriture, ne sont pas seulement menacés par le bavardage, la futilité, le jargon ou le mensonge, mais corrompus de l’intérieur par un cancer qui les vide de leur substance. Dans les pages qui suivent, nous verrons combien les voies souterraines empruntées par ce cancer sont nombreuses, combien variées sont ses métastases : chacun des auteurs étudiés offrira du Mal, ou, selon un terme moins vague, du démoniaque, sa propre vision, qui bien sûr a maille à partir avec son travail d’écriture et, plus largement, avec l’émergence de toute parole. Je reviens donc, une dernière fois dans cet avant-propos, sur la question du Mal, précisant ma pensée, tentant modestement, comme rêvait de le réaliser Gide avec le démon, une identification du démoniaque, même si les différentes études composant ce livre n’évoquent celui-ci que de façon indirecte et comme au travers d’un miroir

En attendant sa mise en place dans les bonnes librairies, signalons que l’ouvrage de Juan Asensio – comme ceux d’autres auteurs des éditions A contrario (Baumier, Fuentès, Kober…) et comme l’imposante revue La Sœur de l’ange – peuvent être commandés sur le site de la Fnac.

05:34 | Lien permanent