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jeudi, 04 avril 2024

Hommage à Marie-Ange Sebasti

« Aux abords du soleil », ainsi s'intitule l'hommage collectif à Marie-Ange Sebasti, ouvrage initié et réalisé par l'association lyonnaise « La Cause des Causeuses ».

marie-ange sebasti,aux abords du soleil,la cause des causeusesUn fort volume de 250 pages, coordonné par Marie-Thérèse Peyrin, qui signe une longue et belle préface. 51 contributeurs et contributrices, pour la plupart poètes, ont collaboré à ce recueil comprenant des illustrations. On trouve à la fois des poèmes de Marie-Ange Sebasti, et des poèmes des participants écrits en hommage à la poétesse disparue depuis plus de deux ans.

Un travail essentiel pour faire vivre sa mémoire.

Tout en admirant le travail accompli par la Cause des Causeuses, et me réjouissant d'avoir participé à l'entreprise, je me permets deux petites remarques.

D'abord, je regrette que mon témoignage ne soit pas reproduit dans cet ensemble. J'ai en effet retrouvé une partie de ce que j'avais envoyé, une nouvelle de Marie-Ange que j'avais publié dans ma maison d'édition Le Pont du Change, et deux textes que je lui offre en hommage. Mais pas trace de mon témoignage, que je reproduis à la fin de ce billet.

Ensuite, je regrette l'emploi de l'écriture inclusive dans le texte introductif. Je suis pour la féminisation des noms de métiers (après tout, on a toujours dit « boulangère », « postière », « institutrice »... il faut généraliser cette pratique), j'admets un redoublement inclusif comme « lecteurs et lectrices », mais je reste allergique au point médian. J'avais ainsi exprimé mon désaccord à Antoine Gallardo qui voulait introduire de l'écriture inclusive dans le texte de quatrième de couverture de mon recueil « Hermes baby » publié à la Boucherie littéraire. Qu'on ne me dise pas qu'il s'agit d'une évolution de la langue. Il existe une évolution naturelle de la langue, qui tend généralement vers davantage de simplicité et d'économie (ainsi le mot « cinématographe » est devenu « cinéma » puis « ciné ».) Dans le cas de l'écriture inclusive, il s'agit au contraire d'une complication de la langue, d'une réforme imposée par des militants pour des raisons idéologiques.

Je n'aurais sans doute pas parlé de cette question s'il ne s'était agi d'un livre en hommage à Marie-Ange Sebasti. Car l'ayant bien connue, ayant souvent échangé avec elle sur la langue et la littérature, je sais à quel point elle était conservatrice et je pense qu'elle aurait été comme moi contrariée par l'usage du point médian.

*

Voici donc mon témoignage :

 

"Je connaissais et aimais la poésie simple, dense de Marie-Ange Sebasti. Et un jour, en lisant la revue VERSO, je découvris un texte en prose, une courte nouvelle de Marie-Ange, intitulée « Heure de pointe ».

Séduit par ce texte, qui renfermait autant de poésie que dans ses vers mais sous une forme différente, je lui en demandai d'autres à lire. L'ensemble qu'elle me confia me plut beaucoup et je lui proposai d'éditer un recueil dans la petite maison d'édition que j'animais, Le Pont du Change (aujourd'hui disparue).

En 2014 parut « Heures de pointe ». 28 textes courts, étranges, irréels. Des personnages qui s'échappent des livres, des personnes qui disparaissent, des morts qui reviennent, un bus qui remonte le cours du temps, une valise mystérieuse, des événements étranges... Tout le recueil baigne dans un univers fantastique empreint de poésie et nous révèle une autre face du talent de l'auteure.

 

Marie-Ange, ce n'est pas seulement pour moi l'histoire de cette publication, qui reste le beau souvenir d'une collaboration aussi paisible qu'efficace, mais aussi l'histoire d'une longue amitié. Je n'oublie pas sa douceur, sa gentillesse, sa patience, sa capacité d'écoute. Elle savait se montrer disponible aux autres ; plusieurs fois, je lui donnai à lire certains de mes manuscrits, ce qu'elle accepta de faire de bonne grâce en me prodiguant de précieux conseils. Je lui suis encore reconnaissant de cette générosité.

En vers ou en prose, l’œuvre de Marie-Ange Sebasti lui survit et perpétue sa mémoire."

 

Jean-Jacques Nuel

Le lien vers la Cause des Causeuses

 

 

 

mercredi, 13 mars 2024

Les fantômes de ma tante, par Christian Cottet-Emard

Après un bref récit fantaisiste, « Une folle nuit d'amour ou un bon dîner chez Lapin ?», Christian Cottet-Emard revient avec un roman plus long et ambitieux, « Les fantômes de ma tante ».

cottet-tante.jpgAntoine Morasse, antihéros et narrateur, jeune homme indolent et immature, a perdu son emploi de journaliste dans un quotidien local. Le même jour, sa vieille tante Marcia, qui part faire le tour du monde, lui demande d'assurer la garde de sa grande maison et de veiller sur son chat, un chartreux qui ne mange que des sardines à l'huile. Voilà Antoine logé gratuitement et donc partiellement tiré d'affaire, mais c'est sans compter sur l'irruption de Pelham, un ancien valet de chambre aux pouvoirs surnaturels, de Miss Punket, une cuisinière ex-femme à barbe, d'un truand persuadé qu'un trésor est caché dans la maison - toutes créatures plutôt fantomatiques - et d'une fée Clochette, dont le narrateur tombe amoureux.

L'auteur croise ici deux de ses constantes d'écriture : l'humour (qui était le ressort de ses succulentes chroniques de « Tu écris toujours ? ») et le fantastique (à l’œuvre dans le roman Charmes). Sans oublier un clin d'oeil à l'auteur Wodehouse et son valet de chambre. Au fil des pages se dessine le savoureux portrait d'Antoine, qui pratique une philosophie hédoniste : « Être longtemps payé à ne rien faire et prendre une retraite précoce, n'est-ce pas le souhait légitime de tout homme paisible et pacifique simplement désireux de vivre en harmonie avec un monde qui n'a aucun sens ? » et goûte aux plaisirs de la vie, dont la gastronomie, aimant « le canard à l'orange, le faisan aux quatre choux et la saucisse grillée nappée à la sauce au foie gras puis flambée à l'armagnac » !

Le tout servi par une écriture maîtrisée, un sens de la formule et un art très élaboré de mêler narration et dialogue dans le même paragraphe, sans retour à la ligne, pour gagner en fluidité. Cottet-Emard livre un récit alerte et humoristique, guidé par la fantaisie et traversé par une logique de l'absurde, pour le plus grand plaisir du lecteur prêt à perdre le temps d'un livre ses repères rationnels.

 

Les fantômes de ma tante, par Christian Cottet-Emard, Orage-Lagune-Express, 15 €.

 

mardi, 04 juillet 2023

Les souvenirs de Christian Cottet-Emard

Christian Cottet-Emard a publié récemment - et simultanément – deux recueils de souvenirs. Deux livres différents dans un genre où il excelle.

chroniques oyonnaxiennes,l'italie promise,christian cottet-emard,orage-lagune-expressLe premier, Chroniques oyonnaxiennes, (sous-titré tome 1, Boulevard de l'enfance – ce qui laisse présager une suite), rassemble des souvenirs d'enfance du narrateur dans la ville d'Oyonnax, une bourgade du Haut-Bugey dans les années soixante du vingtième siècle. Une ville de « sous-sous-préfecture », avec ses maisons et ses ateliers, les parfums de buis, d'iris et de pivoine mais aussi de la matière plastique en fusion, puisque Oyonnax a été la vallée de l'industrie du plastique.

Temps du bonheur (une enfance relativement heureuse), entre deux lieux de la ville, la maison du boulevard Dupuy et l'appartement de la rue Michelet. Deux pôles entre lesquels, tel un trait d'union, se tenait un petit square, détruit depuis lors pour construire une gare routière. Une blessure pour Cottet-Emard, une autre bien plus douloureuse étant d'avoir perdu la maison de son enfance, celle des grands-parents, théâtre clos de ses premières années.

Sont évoqués, outre parents et grands-parents, la dernière locomotive à vapeur, les petits commerces disparus, les promenades en forêt, les aïeux, des figures locales. Certes, certains souvenirs sont moins agréables à se remémorer : la figure sévère et redoutée de l'instituteur dont il est dressé un savoureux portrait (« le regard le plus noir, jaillissant du visage assombri d'un collier de barbe, appartenait au maître du cours préparatoire, un grand type aux épaules légèrement voûtées qui portait souvent ses vestons anthracite sans enfiler les manches, ce qui lui donnait l'allure évanescente d'un spectre à quatre bras »), la mauvaise expérience (heureusement unique) de la colonie de vacances, mais ce temps passé, hélas lointain, garde une tonalité heureuse.

On attend avec impatience le tome 2 de ces chroniques savoureuses, à la fois oyonnaxiennes et universelles.

 

chroniques oyonnaxiennes,l'italie promise,christian cottet-emard,orage-lagune-expressL'Italie promise, recueil plus court, rappelle aussi des souvenirs, mais liés à l'Italie, soit vécue, soit rêvée dans l'enfance. « Parmi les pays que j'ai traversés, par plaisir et par nécessité, l'Italie m'a ébloui et me hante. »

Sont évoqués des voyages à Rome, à Vérone, en Sardaigne, et surtout à Venise, « la ville de ce que j'appelle des instants à poèmes, ces étranges épiphanies somme toute assez rares dans une vie et qui surviennent aussi dans les endroits les plus inattendus ». Ce sont les instants miraculeux d'une réalité soudain plus dense, plus pleine, qui peuvent vous saisir n'importe quand et n'importe où, dans une brasserie, au Café Florian, dans un musée, sur les Zattere.... « des moments suspendus dans le temps qui se sont imprimés dans l'esprit tels des instantanés photographiques ».

Un voyage amoureux et gourmand, davantage dans le temps que dans l'espace.

Chroniques oyonnaxiennes, tome 1, Boulevard de l'enfance, éditions Orage-Lagune-Express.

L'Italie promise, éditions Orage-Lagune-Express.

 

samedi, 04 mars 2023

Tu écris toujours ?, de Christian Cottet-Emard

cce-couv.jpg« Tu écris toujours ? » est un ensemble de chroniques humoristiques sur la condition d'écrivain. Il a été publié en feuilleton illustré par les dessinateurs David Miège et Dominique Goubelle entre 2007 et 2012 dans le trimestriel Le Magazine des livres.

Les éditions Le Pont du Change ont publié une sélection de ces épisodes en un recueil paru en 2010.

Ces dernières éditions ayant cessé leur activité, c'est aujourd'hui le label Orage-Lagune-Express qui reprend la publication de l'intégralité de ces chroniques dont plus de la moitié était restée inédite en volume.

 

Entre un prologue et une postface, 34 textes vifs et enjoués constituent une sorte de faux guide pratique de l'écrivain ; cela va de « Conseils aux futurs écrivains qui se morfondent au lycée » à « Conseils aux écrivains qui veulent devenir célèbres », en passant par « Conseils aux écrivains qui ne savent rien faire d'autre ».

Ne cherchez pas dans ce livre un traité de la réussite ou une méthode infaillible pour écrire des best-sellers et devenir un auteur à succès. Cottet-Emard va détruire vos illusions et ramener les poètes chimériques à la réalité la plus prosaïque. Il dégonfle les baudruches : les auteurs les plus infatués d'eux-mêmes risquent d'en prendre pour leur grade et pour leur ego. Le sous-titre de l'ouvrage est révélateur de l'angle choisi pour traiter le sujet : manuel de survie à l'usage de l'auteur et de son entourage.

Exemple : « Votre écrivain est infernal et vous ne savez plus comment vous y prendre avec lui : avez-vous pensé à vous équiper d'un cochon d'Inde ? En observant attentivement ce petit rongeur, vous verrez que votre écrivain et lui ont beaucoup de points communs. » Un chapitre de comparaisons farfelues qui se termine par « Je voudrais juste préciser une chose à propos du cochon d'Inde : ne pas l'empêcher de manger ses crottes. D'abord il ne s'agit point à proprement parler d'excréments « normaux » mais de petites concrétions de forme oblongue produites dans leur cæcum. En les ingérant, le cochon d'Inde s'assure un indispensable complément en vitamine B. Finalement, c'est bien la seule différence avec votre écrivain. Enfin, je l'espère pour vous. »

Dans ce manuel riche de nombreux autres conseils du même tonneau, tout auteur (professionnel, débutant, amateur) et toute personne de son entourage pourront puiser pour vivre en totale harmonie (enfin, en principe...)

Avec une lucidité caustique et un humour constant, qui n'est pas sans évoquer l'humour anglais, Cottet-Emard livre une chronique drôle et décapante de la condition d'auteur.

 

Tu écris toujours ? de Christian Cottet-Emard. 210 pages. 10,55 €.

 

mercredi, 09 février 2022

Tarte aux phrases, de Jean Pézennec

Couverture-Tarte-aux-phrases-87-SITE-600x1020.jpgVient de paraître :

Tarte aux phrases, de Jean Pézennec.

chez Cactus Inébranlable éditions

Jean Pézennec est un vieux routier de l'humour. Sous le pseudonyme de Jean Legeay, il a publié de nombreux sketches pour le théâtre et la télévision. Puis il a écrit sous son véritable nom des textes courts, nouvelles, micro-proses et aphorismes. "Tarte aux phrases" recueille un ensemble de textes très courts, dans lesquels l'auteur dénonce les travers de l'homme et de l'époque, avec lucidité et légèreté, avec une grande maîtrise d'écriture. "Ce n'est pas le tout de coucher des mots sur le papier, encore faut-il réussir à faire l'amour avec."

Comme chez beaucoup d'humoristes, le thème de la mort est très présent, traité avec esprit et dérision. " Si vous voyez la mort en face, tirez sans sommation. Vous êtes en état de légitime défense." Et Dieu en prend pour son grade.

Une tarte aux phrases à déguster, à toute heure de la journée.

Extraits :

Ne jetez pas le bébé avec l'eau du bain, soyez écoresponsable, gardez l'eau et réutilisez-la.

Dieu, le premier des écologistes, a fait l'homme biodégradable.

Distinguons l'homme de l'écrivain. Le marquis de Sade, le lire, oui, mais lui confier ma fille pour les vacances, non.

La fraternité des humbles : moins on a le bras long, plus on ressent la nécessité de se serrer les coudes.

Qui trop embrasse malotru.

Discrétion avant tout. Quitter ce monde les pieds devant, soit. Mais sur la pointe des pieds !

C'est l'histoire d'un père de famille nombreuse qui va se promener dans la forêt avec ses dix enfants et qui perd tous ses moyens, ne revenant qu'avec l'aîné et le petit dernier.

Pour se procurer le livre :

https://cactusinebranlableeditions.com/produit/tarte-aux-phrases/

 

 

mardi, 08 juin 2021

Charmes, de Christian Cottet-Emard

charmes,christian cottet-emard,orage-lagune-express,roman,musiqueDans une note liminaire à son nouveau roman, Christian Cottet-Emard, que l'on connaît aussi comme poète et chroniqueur, nous livre la genèse de Charmes : « Le don est un mystère qui m'a toujours tourmenté, sans doute parce que j'en suis dépourvu, en particulier de celui qui m'a le plus cruellement manqué, écrire et jouer de la musique. Ce manque étant une de mes hantises les plus lourdes, je m'en suis un peu allégé en inventant cette fable où rôdent les ombres et les esprits de ce qui ne peut trouver ni repos ni fin. »

Passionné de musique mais incapable de la pratiquer, le personnage principal Charles Dautray vit seul, dans sa maison jurassienne où il rédige son journal intime. À la suite de sa rencontre avec la mystérieuse Marina, il se trouve subitement en possession de ce don musical dont il a toujours rêvé. Une carrière de pianiste concertiste s'offre soudain à lui, qu'il mène aidé par son producteur et agent artistique Aaron Jenkins, tandis que le pigiste Antoine Magnard rédige des articles sur ses concerts et les livrets de ses disques.

Le roman se constitue des récits croisés des différents protagonistes, qui forment comme les pièces d'un puzzle. On se déplace à Lyon, Paris, Barcelone, Venise et Lisbonne, on prend quelques détours par Oyonnax et Nantua. L'action progresse vers une fin surprenante.

C'est à la fois un roman très personnel, où l'auteur livre beaucoup de lui-même (sa vie, ses goûts, ses décors...) et un récit fantastique, traversé par le personnage étrange et inquiétant de Marina, avec qui Charles Dautray lie une sorte de pacte faustien. « Il est vrai que je me damnerais bien en échange d'une parcelle d'excellence musicale et du génie qui l'accompagne. »

Cottet-Emard montre une grande connaissance de la musique classique et contemporaine, et une maîtrise dans l'art du dialogue intégré : délaissant le retour à la ligne et le tiret, il introduit les répliques des personnages dans le corps même du texte, qui gagne en fluidité. Le titre Charmes (venant de la villa des Charmes, évoquée dans la deuxième partie du livre) convient bien à ce récit : c'est l'histoire d'une possession, l'histoire d'un vertige.

 

Charmes, de Christian Cottet-Emard, Orage-Lagune-Express éditeur.

210 pages.

Le lien pour découvrir l'ouvrage :

http://cottetemard.hautetfort.com/archive/2021/06/05/charmes-6320188.html

 

mercredi, 23 septembre 2020

Aux grands jours, de Christian Cottet-Emard

Quand on publie de la poésie depuis plus de trente ans, la tentation est grande de faire un retour sur ses débuts et de chercher à comprendre le chemin de son évolution personnelle jusqu'aux plus récentes œuvres. Des questions se posent inévitablement : ces textes anciens sont-ils encore valables, encore lisibles ? Pour ceux qui résistent à un examen critique, ne méritent-ils pas d'être corrigés, voire réécrits ? Est-il bon de les rééditer ?

cce-agj.jpgToutes ces interrogations, Christian Cottet-Emard les a faites siennes, et s'est finalement décidé à republier ses recueils passés. Comme s'il voulait mettre de l'ordre dans ses papiers. Pour solde de tout compte. En choisissant une voie médiane : ne pas republier en l'état d'origine, ne pas tout réécrire, mais corriger. En veillant à ce que les modifications apportées ne nuisent pas à l'élan vital originel.

Pari réussi. Cinq recueils parus entre 1992 et 2004 sont ici regroupés, par ordre chronologique.  : Le passant du grand large, L'alerte joyeuse, La jeune fille, Le monde lisible, Le pétrin de la foudre. Suivent quelques textes ajoutés en fin de volume.

Malgré l'ancienneté de leur conception, tous ces textes témoignent déjà d'une grande maîtrise dans l'écriture, et surtout, ils permettent de mesurer l'évolution, tant dans l'inspiration que dans la forme du vers employé, depuis les premiers textes où se devine parfois l'influence de René Char jusqu'aux derniers plus personnels, plus originaux et aboutis, plus amples, comme dans cet extrait du Monde lisible :

« La flaque d'eau toujours à la même place sur la route forestière où attend la vieille voiture n'est ni le miroir ni le contraire du monde, juste une facette de ce diamant qu'on appelle la Terre. ».

Deux textes rajoutés sont d'une grande originalité : La jeune fille aux sandales de sable et L'île des libellules transparentes sont des œuvres de quatre pages dont l'écriture se situe entre prose et vers, racontant une histoire en versets, toute de mystère et de délicatesse. On a l'impression de découvrir un nouveau genre littéraire.

 

Le recueil lu, une question se pose : pourquoi cet auteur de romans (Le club des pantouflards, Le grand Variable), de nouvelles (Mariage d'automne), de chroniques (Tu écris toujours ?, Prairie Journal), pourquoi un aussi bon poète que Cottet-Emard ne publie-t-il pas chez un éditeur, préférant délibérément l'autoédition ?

La réponse est dans la préface de son dernier recueil :

« Je suis de moins en moins tenté de soumettre un cycle de poèmes aux éditeurs de poésie même si publier à certaines enseignes me serait évidemment agréable. Quant à la satisfaction très compréhensible de voir enfin exister le ou les poèmes en un livre imprimé, je n'ai pas besoin de déranger un éditeur pour y accéder, car les récents et fulgurants progrès dans l'art d'imprimer à tirage limité la rendent immédiatement possible et pour le plus modique des coûts. En raison des tirages restreints et de la faible diffusion de la poésie, un poète peut aujourd'hui raisonnablement se poser la question de savoir si un éditeur de poésie est capable de lui assurer un lectorat plus nombreux que celui qu'il pourrait toucher en s'éditant lui-même, toute considération de prestige et d'image de marque liée à une enseigne évidemment mise à part. »

Voilà des propos susceptibles de lancer un vaste débat sur l'autoédition...

 

Lien vers le livre