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mercredi, 25 juin 2014

Soleils levants

soleilslevants.jpgLa revue Passage d’encres a cessé sa parution régulière mais continue de produire des « hors séries ». Le dernier en date, intitulé « soleils levants », traite bien evidemment du Japon.

Andoche Praudel, céramiste, photographe, écrivain et grand connaisseur du pays, en est l’artiste invité. Il assure la coordination de cet ensemble, avec Atsuko Nagai et Martine Monteau. Cette dernière présente ainsi le Japon : « Ce pays de retenues et de décharge soudaine, de pudeurs et d’exaltation des sens, d’îlots séparés et de solidarités, où les énergies contraires défont périodiquement des cités entières, des milliers de vies ensemble, nous fascine et nous fait peur. »

L’archipel du soleil levant est vu aussi bien sous l’angle de ses traditions que sous celui de sa récente et tragique actualité : Fukushima. On y parle du nucléaire, du tremblement de terre, mais aussi des temples traditionnels, des missionnaires angevins au Japon depuis le 19e siècle, de cinéma, de théâtre et de poésie. De belles photos et illustrations complètent ce superbe numéro.

Soleils levants, Passage d’encres, 20 €.

Passage d’encres, Moulin de Quilio, 56310 Guern.

Passagedencre@orange.fr

 

mardi, 25 février 2014

Courants blancs

courants-blancs-de-philippe-jaffeux.jpgAprès deux livres remarqués chez Passage d’encres et L’Atelier de l’agneau, Philippe Jaffeux revient avec « Courants blancs ». Le format carré du livre (21 x 21 cm) est d’une largeur suffisante pour que toutes les phrases, même longues, tiennent sur une seule ligne. Une phrase = une ligne. L’effet visuel, moins marqué que dans les précédents ouvrages de Jaffeux, joue cependant : 70 blocs de 26 lignes. Une impression de remplissage et d’entassement. De stock rangé après production.

L’éditeur dit dans sa présentation que ces « courants » « ressemblent à des aphorismes, des pensées imaginatives ». Ressemblent. Car hormis leur brièveté, et leur aspect volontiers sentencieux, ils sont d’une autre nature. Le « courant blanc » de Jaffeux est bien différent de l’aphorisme selon La Rochefoucauld (dont le chef d’œuvre « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement » vaut la meilleure des poésies), bien différent de la formule énigmatique, minérale et parfois un peu hautaine de René Char, bien différent des « pensées » d’Antonio Porchia. Les aphorismes sont un concentré de sens, une formule arrêtée, immobilisée sur sa forme la plus brève et dense à la fois.

Rien de tel chez Jaffeux. C’est moins le sens qui l’intéresse que le langage lui-même, cet instrument, ce véhicule utile (utilitaire) pour charrier le sens mais qui, revenant « à vide », n’est pas pour autant vide de tout sens, car il a sa propre existence et sa propre histoire. On retrouve dans la majorité des phrases des mots tels que « lettre », « alphabet », « écriture », « parole », « voix »… qui nous rappellent que le sujet du livre, c’est le langage. Ici, le sens n’est pas à l’état de concrétion, mais à l’état de circulation, comme un courant alternatif, il suit le mouvement de la langue (à la fois système et organe, car l’auteur n’a pas écrit ces phrases, mais les a enregistrées sur un dictaphone numérique).

Écrire des aphorismes est un art difficile. La Rochefoucauld n’est pas un auteur prolixe. Dans toute sa vie, Porchia n’a livré qu’un peu plus de 1100 pensées (« Voix complètes »). On imagine ces auteurs les reprenant jour après jour, les ressassant pour obtenir la meilleure formulation. Dans ce seul livre, Jaffeux livre plus de phrases (26 x 70 = 1820) que Porchia dans toute son œuvre. Car ce qui l’intéresse, c’est aussi la production de texte, on le sent en quête d’une sorte de processus semi-automatisé. Il se livre à d'incessantes variations sur ses thèmes, figures libres sur la page. Des variations qui pourraient presque être infinies, si l’homme avait davantage de force ou de temps. L’impression qui s’en dégage, outre l’étrangeté de cette avalanche de paradoxes, est celle d’une densité, d’une contradiction permanente, née de phrases qui se mordent la queue, s’annulent ou se retournent contre leur propre énoncé.

Non, Jaffeux n’écrit pas d’aphorismes, mais livre une nouvelle expérience sur la langue, cette fiction née entre l’animal et l’ordinateur, et ballottée entre les deux. Ici, le langage écrit et rêve sa propre histoire.

 

« Les lettres sont des notes de musique que nous ne savons pas encore lire. »

« Les lettres sont peut-être des nombres qui refusent de se mesurer à l’infini. »

« Il succomba à l’ivresse d’écrire après avoir refusé de boire de l’encre. »

« Les animaux pensent à notre place depuis que les machines domestiquent notre nature. »

« Sa page fut recouverte par ses empreintes dès qu’il identifia l’écriture à un crime. »

« Les animaux s’arrêtèrent de parler pour donner aux hommes la chance d’obéir à leurs cris. »

 

Philippe Jaffeux, Courants blancs, L’Atelier de l’agneau 16 €

 

jeudi, 12 décembre 2013

L'Almanach du saumon poétique

Une belle initiative des dynamiques éditions du Petit Véhicule : la création de l’Almanach du saumon poétique, littéraire et fraternel. Il vient de sortir et pourra vous accompagner tout au long de l’année 2014. Coordonné par Stéphane Beau et Luc Vidal, illustré par Nicolas Désiré Frisque, ce bel objet relié à la chinoise conjugue la fantaisie, la poésie, l’humour, le sérieux et le léger. Un auteur ouvre chaque mois par un texte original, puis se succèdent de nombreux textes littéraires le plus souvent tirés des archives des éditions du Petit Véhicule et de feue la revue Le Grognard.

ALMANACH COUV2.jpgDans leur introduction, Beau et Vidal rappellent qu’historiquement, l’almanach est un annuaire, un calendrier illustré. Traditionellement, c’étaient les colporteurs qui diffusaient cette publication annuelle qui nous instruisait sur les phases de la lune, les solstices et les équinoxes, les horaires des marées, les recettes de cuisine, etc. Bref, un livre pratique, vivant, quotidien et populaire. Son principe remonte à la Grèce antique (Les Travaux et les Jours, d’Hésiode) ; quelques-uns ont marqué l’histoire : l’Almanach Vermot, l’Almanach du Père Peinard, l’Almanach ouvrier et paysan de L’Humanité… (J’ajouterai pour ma part : les almanachs du Père Ubu, écrits par Alfred Jarry.) Mais l’exemple qui a motivé les deux auteurs est l’Almanach surréaliste du demi-siècle publié en 1950 par les éditions du Sagittaire. Y figuraient (excusez du peu !), sous la direction d’André Breton, Benjamin Péret, Antonin Artaud, Octavio Paz, Julien Gracq…

L’Almanach du saumon ne peut se prévaloir de si prestigieuses signatures mais nous donne à découvrir nombre de textes excellents que l’on pourra picorer au gré des jours et des saisons.

Vous trouverez en pièce jointe descriptif, sommaire et bon de commande.

 

Almanach du saumon poétique littéraire et fraternel 2014, éditions du Petit Véhicule, 15 €.

mercredi, 11 décembre 2013

Editeurs : bons à tirer ?

chiendents 38 couv.jpgLa revue littéraire Chiendents consacre son numéro 38 à un dossier sur l’édition, au titre un brin provocateur, Éditeurs : bons à tirer ? Et c’est vrai que l’on parle toujours de la grande misère des auteurs, des libraires, mais jamais de celle des éditeurs, et spécialement des petits éditeurs.

Entre autres articles, on notera une lettre ouverte aux hommes et femmes de bonne volonté, de Luc Vidal, éditeur au Petit Véhicule, qui livre lucidement son expérience. Jean-Luc Nativelle nous parle de la galère d’une signature dans l’espace culturel d’un grand magasin, un grand moment de solitude sauvé par la gentillesse et l’intérêt d’une vendeuse. Gérard Cherbonnier, responsable des éditions du Petit Pavé, s’entretient avec Stéphane Beau : “Faudra-t-il éditer sous le manteau ?” et dresse un tableau objectif de la situation de l’édition. Roger Wallet retrace son parcours d’écrivain, depuis un premier succès (édition au Dilettante, passage chez Pivot, presse nombreuse) suivi d’un échec commercial, d’une tentative de monter une structure éditoriale et de la publication actuelle chez de plus modestes éditeurs. Dans un article ravageur, Stéphane Beau nous livre un portrait sans concessions de l’ingratitude des auteurs : “Toujours prompts à dénoncer les travers des éditeurs, les auteurs ont une fâcheuse tendance à hisser les libraires au sommet de la pyramide des métiers du livre, comme s’il s’agissait de la catégorie la plus noble. (…) Pour les auteurs, le passage par l’éditeur ne représente qu’une formalité technique, rien de plus qu’une étape obligée qui a en outre le grave défaut de ne pas être toujours de tout repos pour leur ego. Une fois que le contrat est signé, l’heureux auteur ne veut plus rien savoir de ce qui se joue dans les bureaux de son éditeur, ni dans l’atelier de l’imprimeur. Tout cela, c’est le travail de l’éditeur : l’auteur, créateur, pur esprit, est au dessus de ces réalités triviales. Par contre, s’il y a une chose que les auteurs adorent, c’est apercevoir leurs bouquins dans les devantures des libraires. Là ils se sentent grands, beaux, forts, puissants, comme si leur talent était décuplé par cette mise en visibilité de leur travail. La vitrine des libraires est comme un miroir où, Narcisses modernes, ils peuvent contempler le reflet de leur propre grandeur.” Et de conclure : “L’éditeur donne vie au livre ; il lui permet d’être. Le libraire caresse l’auteur dans le sens de son ego ; il lui permet de paraître.”

Un dossier passionnant, sans langue de bois, à lire par tous ceux qui veulent découvrir les coulisses de la petite édition.


Chiendents n° 38, éditions du Petit Véhicule, 4 €. Le blog des éditions.

samedi, 23 novembre 2013

Andoche Praudel, la photographie comme art des trophées


praudel2.jpg

Les noms des champs de bataille sont inscrits dans nos mémoires. Mais que sont-ils devenus ? Andoche Praudel a entrepris de les photographier. Il choisit un champ de bataille et sa date, prend la photo sur le lieu même et si possible, à date anniversaire. Il en réalise des images panoramiques, qu’il tire sur un papier Japon aux fibres poreuses. Dans un beau livre au format à l’italienne, nous sont restitués ainsi, par ordre d’apparition chronologique sur la scène de l’Histoire, des lieux de lutte et de carnage aujourd’hui comme reposés bien que leurs entrailles aient été nourries de sang : Carthage, Gergovie, Poitiers, Roncevaux, Teranomari, Azincourt, Valmy, Austerlitz, Waterloo… parmi une série de 26 vues.

On devine que Praudel photographe attend le moment favorable, une levée partielle du brouillard, la survenue d’un rai de lumière, d’un banc de nuages, l’élément changeant qui va donner un sens, un mouvement au décor cadré, lui donner une réelle dimension. Le traitement de la lumière, comme échappée ou comme révélateur, est particulièrement admirable dans deux vues : Gergovie et Glencoe, en Ecosse.

Baldine Saint Girons accomplit un double travail sur cette série de photographies : elle les fait précéder d’une étude, puis elle accompagne chaque cliché d’un double commentaire, l’un en amont (historique), l’autre en aval de la photographie (artistique). Dans une brillante démonstration, elle nous montre que « la photographie se caractérise non seulement comme l’art de conserver des traces, mais comme l’art de fabriquer des trophées, c’est-à-dire d’exhiber des objets paradoxaux qui, tout en étant arborés par les vainqueurs, parlaient en faveur des vaincus »

Non seulement les images sont belles en elles-mêmes, se suffiraient à elles-mêmes, mais leur intensité se trouve comme renforcée par la référence historique qui introduit une dimension du passé et une dimension dramatique, naissant du contraste entre le calme actuel du lieu et ce que nous imaginons de violent et de mortel. « Praudel n’est ni un reporter de guerre, ni un historien, ni un muséologue. Son seul objectif est de conduire, voire de forcer les choses et les lieux à exprimer leur âme, à livrer un témoignage proprement esthétique, trop souvent négligé comme tel », nous expose Baldine Saint Girons. « La photographie réussit à rendre l’histoire vivante : elle nous force à réfléchir sur l’événement et sur les nouveaux partages qu’il instaure. »

 

Les champs de bataille d’Andoche Praudel, de Baldine Saint Girons, éditions Manucius

 

Le site d’Andoche Praudel

 

jeudi, 03 octobre 2013

Deux lectures

Je participerai à deux lectures prochainement :

- vendredi 27 septembre, à 18 heures 30, à la librairie Point d'encrage (73 rue Marietton, 69009 Lyon), je présenterai la maison d'édition Le Pont du Change, puis je lirai mes textes en compagnie des auteurs Christian Cottet-Emard, Frédérick Houdaer et Roland Tixier.

- vendredi 4 octobre, à 19 heures, je suis invité à la lecture de la revue VERSO (10 rue Bourgelat, 69002 Lyon), avec les auteurs Carole Dailly, Josiane Gelot et Patrick Dubost.

lectures,nuel,le pont du change

vendredi, 28 juin 2013

N, de Philippe Jaffeux

n-l-enieme-de-philippe-jaffeux.jpgPhilippe Jaffeux est l’auteur d’un vaste projet intitulé ALPHABET, dont de nombreux extraits sont déjà parus en revues, composé de 390 pages divisées en 15 lettres de 26 pages.

Les éditions Passage d’encres viennent de publier N. « La lettre N, intitulée « l’énième », est composée de 26 carrés de 14 cm (et donc d’une superficie de 196 cm2). Chaque carré contient 26 phrases, 33 lignes et 32 interlignes ainsi que 196 lettres n dont chacune des apparitions est décalée. La ponctuation progressive consiste à mettre en exposant la dernière lettre des 26 phrases de la page A jusqu’aux 26 dernières lettres des 26 phrases de la page Z. La pagination élève chaque lettre de l’alphabet à la puissance n. La lettre n disparaît sur la dernière phrase avant de réapparaître dans un mot final qui annonce la lettre O. »

Un premier livre de Jaffeux était paru à l’Atelier de l’agneau, collection Architextes : O L'AN /. Il présentait 26 dessins de cédéroms d’un diamètre de 12 centimètres, chaque dessin contenant 15 phrases exposant un mot de 15 lettres orthographié avec deux O.

On le voit, on est dans le domaine de la contrainte créatrice, d’un texte construit avec des formes et des mesures, qui veut se rapprocher d’une poésie concrète, oulipienne, visuelle et numérique. Jaffeux conduit une expérience. Même si l’on s’interroge sur la lisibilité de l’œuvre qui se veut une machine littéraire, on ne peut qu’être impressionné par l’ambition et la radicalité du projet, la cohérence et la rigueur apportée à sa réalisation.

Le site de l’auteur : www.philippejaffeux.com

 

N, de Philippe Jaffeux. 14 €. Passage d’encres, Moulin de Quilio, 56310 Guern.