Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 20 septembre 2011

Revue de détail n° 26

(Cette chronique a été publiée dans Le Magazine des Livres n° 31 )

Sur Han Ryner

Dans ses deux derniers numéros, la revue Le Grognard adopte un format livre, avec dos carré, pour nous proposer deux intéressantes livraisons. Le numéro 16 est une anthologie d’articles de Han Ryner, Comment te bats-tu ? et autres textes parus dans le Journal du Peuple ou en revues, avec une présentation de C. Arnoult. A l’instar de Voltaire ou Diderot, le philosophe Ryner (1861-1938) s’est beaucoup servi de la fiction (romans, contes et récits courts, théâtre) comme support d’expression de sa pensée. Théoricien de l’individualisme, il ne le considère pas comme un égoïsme, bien au contraire, et ne l’oppose pas à fraternité ou solidarité. Apparemment proche des anarchistes (les deux crimes sont pour lui commander et obéir), il n’en partage pas les illusions ni la violence révolutionnaire, se référant davantage à la sagesse antique grecque. Il critique la société mais la conçoit comme une fatalité : « La société est inévitable comme la mort. Sur le plan matériel, notre puissance est faible contre de telles limites. Mais le sage détruit en lui le respect et la crainte de la société, comme il détruit en lui la crainte de la mort. » Selon Stéphane Beau, le credo originel de Ryner est simple : l’homme est la mesure de toute chose. Avec ténacité, le directeur du Grognard veut redonner à ce philosophe un peu oublié une plus large notoriété, au-delà du cercle restreint des milieux libertaires où il est pour le moment assigné, car sa pensée est beaucoup trop profonde, subtile et universelle pour qu’elle reste ainsi enfermée dans cette unique référence à l’anarchie.

Le numéro 17 est une anthologie de poèmes choisis par Stéphane Beau et Gaston Vieujeux. Si tous les poèmes ne sont pas impérissables, ou sacrifient parfois à l’engagement politique, l’ensemble est d’une bonne tenue et les 38 auteurs rassemblés ont en commun une grande sincérité. On a plaisir à y retrouver d’excellents auteurs lus ailleurs, dont Pascale Arguedas, Chantal Dupuy-Dunier, Cathy Garcia, Stéphane Prat, Pascal Pratz, Thomas Vinau. « Cette revue-anthologie n’est pas celle d’une édition fantôme. Elle est vivante, surprise et fracas de vivre », résume Luc Vidal dans sa préface.

 

Le Grognard n° 16 et n° 17, 68 rue de Carquefou, 44470 Thouare sur Loire, diffusé par les éditions du Petit Pavé, site http://perso.orange.fr/legrognard , 10 €.

 

samedi, 04 juin 2011

Revue de détail n° 25

(Ces chroniques sont parues dans Le magazine des livres n° 30)

 

Les moments littéraires

La revue Les moments littéraires, fondée et animée par Gilbert Moreau, consacre sa dernière livraison à Roland Jaccard. Cet « éternel adolescent » (selon Tahar Ben Jelloun), venu de Lausanne à Paris faire une thèse sur Mélanie Klein, se retrouve engagé au Monde et devient journaliste et écrivain. Admirateur de Cioran, sa propre œuvre est marquée par la tentation du suicide. Mais à force de remettre l’acte à plus tard (« J’assume totalement le fait de consommer le suicide à crédit plutôt que de le payer cash »), il est devenu trop tard : « Passé cinquante ou soixante ans, l’idée de se suicider devient absurde, il y a déjà une telle déperdition de vie et d’énergie, que cela n’a plus aucun sens. Tout est joué, on est déjà mort, d’une certaine manière. » Il nous livre au passage l’anecdote savoureuse selon laquelle Cioran, après avoir croisé Beckett, fut heureux et soulagé d’avoir rencontré « un type plus déprimé que lui » ! Un long entretien, des extraits du journal intime de Jaccard, nous donnent une vision assez large et approfondie du personnage et de son œuvre. On ressent aussi sa nostalgie d’une époque déjà en partie disparue ou métamorphosée, le quartier littéraire de Saint-Germain des Prés (« Le Lutétia, le jardin du Luxembourg, le café de Flore, la piscine Deligny formaient un carré magique qui vous donnait le courage de persévérer dans l’existence »), la liberté des mœurs (« Si vous vous approchez un peu trop d’une adolescente, cela suscite des réactions qui ne sont pas les mêmes que dans les années 60 »), ou le journal Le Monde qui a tant changé à la fin du vingtième siècle : « J’étais entré dans un couvent, je me retrouvais dans un bordel ».

Les moments littéraires n° 25, BP 30175, 92186 Antony Cedex. 12 €.

 

*

 

Cahiers Henri Béraud

Dans une relative discrétion qui n’empêche pas la ferveur, l’ARAHB (association rétaise des amis d’Henri Béraud) maintient le souvenir du plus grand écrivain lyonnais du 20e siècle, dont l’œuvre est passée sous silence en France et jusque dans sa ville natale à cause de ses écrits dans des journaux collaborationnistes durant la seconde guerre mondiale. Ce numéro daté de l’automne 2010, réalisé par Francis Bergeron et Philippe Vilgier, rend compte d’une conférence tenue le 7 octobre 2010, au restaurant Les Ronchons, à deux pas de la Tour d’Argent. Le sujet de cette conférence : les polémistes ; son titre : « De Béraud à Brigneau, polémistes français du 20e siècle ». Béraud déclarait en effet : « Mes distractions ? La pipe, la vie nocturne et la polémique. » Hommage à tous les polémistes depuis la chute de l’Empire jusqu’à nos jours ( qu’ils soient de gauche, ou majoritairement de droite), ce dossier trop bref a le mérite de nous remettre en mémoire les noms de tous ceux qui ont crié haut et fort contre le conformisme ambiant. C’est avec Rochefort (« La France compte trente-six millions de sujets sans compter les sujets de mécontentement ») que naît la polémique moderne, elle se poursuit avec Zola, Bloy, Daudet, Henri Jeanson, et tant d’autres jusqu’à Jean-Edern Hallier. Ce numéro rappelle aussi le sort brutal qui fut souvent réservé à la liberté de parole (amendes, prison, bagne, exil, menaces de mort ou condamnation à mort) et dénonce la fausse contestation actuelle (comiques de Canal +) qui n’est qu’une rébellion institutionnalisée, selon les termes de Philippe Muray.

Cahier Henri Béraud n° 23, Association rétaise des amis d’Henri Béraud, BP 3, 17111 Loix-en-Ré.

 

samedi, 23 avril 2011

Revue de détail n° 24

(Cet article est paru dans Le Magazine des livres n° 29 .)

Un annuaire des revues

couverture-arlit-2010.jpgLa parution de l’annuaire des revues littéraires ARLIT, dont Roger Gaillard livre la cinquième édition chez L’Oie plate, réjouira les amateurs de revues comme les auteurs en quête de publication. Plus de 500 revues (sous forme papier) sont répertoriées, dont la plupart de création littéraire ou artistique, ou de critique littéraire. Parmi celles-ci, 325 revues publient de la poésie, 200 des contes et nouvelles, 140 des récits et des extraits de roman ou de récit, 200 s’intéressent aux petites formes (pamphlet, insolite, écrits intimes, proses très littéraires, journal et récit de voyage, pastiche...), 56 publient de l’humour, 23 du théâtre, et 50 de la SF ou du polar. Une fiche d’information d’une demi-page sur chaque titre donne les caractéristiques essentielles : adresse et coordonnées, année de création, caractéristiques techniques, tirage, aspect, contenu, genres publiés, prix, montant de la rémunération éventuelle, ainsi que des commentaires critiques sur la politique de la revue sous forme d’un avis au lecteur. Un instrument bien utile pour qui veut connaître ce monde resté marginal et qui compte des trésors, aussi bien pour l’aspect artistique de certaines réalisations que pour la qualité des textes publiés. La revue a toujours constitué un laboratoire pour la création comme pour la réflexion.

Cette cinquième édition ne compte que 544 revues (contre plus de 1000 dans l’édition antérieure). La mortalité des revues a été très importante ces dernières années. Selon Roger Gaillard, de multiples raisons expliquent cette réduction : la diminution du lectorat, d’abord, les jeunes lisant moins et étant intéressés par d’autres formes de culture, la diminution des aides publiques, et surtout, la montée en puissance de l’internet et des revues en ligne, tuant la revue papier. Celles qui restent sont souvent produites par de grandes maisons d’édition, ou portées par des équipes passionnées.  

 

ARLIT, Annuaire des revues littéraires, par Roger Gaillard, L’Oie plate, 2010, 320 pages format A4, 36 €.

http://www.loieplate.com/

 

 

samedi, 25 septembre 2010

Diérèse n° 50

Je reste admiratif depuis bien longtemps devant le travail patient, attentif, considérable de Daniel Martinez au service de la poésie et de la littérature. La revue Diérèse qu’il anime depuis Ozoir-la-Ferrière parvient aujourd’hui à son 50e numéro.

Pratiquement absent du champ d’internet, dans une relative discrétion (la revue ne mentionne ni son adresse postale, ni de site ou d’adresse internet), Daniel Martinez a bouclé cette livraison de plus de 250 pages, qui séduit par la qualité de ses collaborations et de ses dossiers. Divisée en cahiers, elle ouvre ses pages aux poètes (Jacques Ancet, Alain Duault entre autres), aux prosateurs (Alain Jean-André, Sylvie Huguet, Philippe Blondeau), aux chroniqueurs (Pierre Dhainaut, Jean Bensimon, Alain Helissen, Michel Lamart). Notons des poèmes en bilingue (Durs Grünbein traduit de l’allemand, Nikola Madjirov traduit du macédonien).

Mais l’intérêt essentiel de ce numéro réside en un dossier consacré à Claude Pélieu. Comme le rappelle Bruno Sourdin, Pélieu s’est éteint en décembre 2002, le jour de Noël, sur un sinistre lit d’hôpital à Norwich, une petite ville perdue au nord de l’Etat de New York. Son œuvre de traducteur et de « passeur » de la Beat Generation a été considérable : William Burroughs, Allen Ginsberg, Lawrence Ferlinghetti, Bob Kaufmann. Elle a malheureusement éclipsé son travail personnel de création poétique, qui se révèle particulièrement riche et novateur. Diérèse propose ainsi une mini-anthologie des Poèmes éparpillés, qui nous fait parfois penser aux haïkus japonais.

 

Six heures du soir,

le ciel caillé de neige

a repris ses couleurs.

 

Ici, ailleurs, tout est

humainement médiocre.

Naissance et mort

ne laissent pas de traces.

 

 

Diérèse n° 50, 10 €, Daniel Martinez, 8 avenue Hoche, 77330 Ozoir la ferrière.

 

vendredi, 14 mai 2010

Revue de détail n° 23

(Cette chronique est parue dans Le Magazine des Livres n° 23.)

LE GROGNARD n° 12

grognard12.jpg« Littérature, Idées, Philosophie, Critique et Débats », précise en sous-titre la revue trimestrielle Le Grognard, qui vient d'atteindre à Noël son douzième numéro, toujours aussi combative dans la dénonciation des travers actuels et dans la réhabilitation d'auteurs oubliés du passé. Une livraison riche et diversifiée,  avec des textes de Kenneth White, Bertrand Redonnet, Joaquim Hock, Stéphane Beau et la suite de ses Contingences, une entrevue avec Tanguy Dohollau, auteur du roman graphique Pas à pas, à l'écoute du silence, une présentation de la rebelle américaine du 19e siècle Margaret Fuller, une étude de François-Xavier d'Arbonneau sur une biographie d'Oscar Wilde, des notes de lecture, bref, une véritable revue qui, sous son aspect volontairement rétro avec ses vieilles lettrines, poursuit la redécouverte de personnalités littéraires hors normes du passé et entretient le débat d'idées.

 Signalons par ailleurs un hors-série paru en 2009, « Georges Palante et la génération honnnie », sous la direction de Stéphane Beau et de Goulven Le Brech. C'est en 1913 que Palante consacre sa chronique du Mercure de France à sa génération, qui n'a pas bonne presse : « génération névrosée, décadente, en proie au mal de l'analyse, à l'opium déterministe, à la narcose pessimiste, au dilettantisme vieillot, à l'immoralisme éhonté ! J'arrête là la liste des gentillesses dont on nous gratifie. » Et cependant, ces penseurs emportés par le vent cruel de l'histoire sont d'une grande tenue et pourraient apprendre encore bien des choses à nos universitaires contemporains. Le dossier, qui présente Georges Palante, précurseur oublié de la sociologie de l'individu, Frédéric Paulhan, Ludovic Dugas, Louis Estève, Emile Tardieu, Jules de Gaultier, Louis Prat, tente de réparer une injustice et sera pour beaucoup de lecteurs une découverte émouvante et intéressante. 

Le Grognard, éditions du Petit Pavé, BP 17, Brissac-Quincé, 49320 Saint-Jean des Mauvrets. 34 pages, 7 €.

http://legrognard.hautetfort.com/

 

jeudi, 13 mai 2010

Non de non !

Depuis le lundi 10 mai, Bertrand Redonnet, Stéphane Prat, Solko et Stéphane Beau ont ouvert un nouveau webzine mécontent et bigrement content de naître : NON DE NON ! 

"Toutes les formes d'écriture sont appelées à y chauffer le fer. Poésie, fiction, réflexion... Les mauvaises herbes les plus improbables sont les bienvenues, pourvu qu'elles épicent en diable le plat de résistance, persistance, ou de tout ce que nous concoctera l'affirmation d'un tel refus. Refus des inerties, des piaillements, ronrons continuels ou autres présents perpétuels qui nous tiennent lieu de liberté, d'existences par défaut, de fausses fatalités. La tambouille ne sera d'ailleurs pas livrée aux seuls claviers des quatre zozos ci-dessus cités, mais également et surtout à l'indétermination de leurs invités."

http://www.nondenon-webzine.blogspot.com/

 

jeudi, 01 avril 2010

Revue de détail n° 22

FICTION n° 8

fiction8.jpgDésormais soutenue par le Centre national du livre et la région Rhône-Alpes, Fiction est devenue le rendez-vous incontournable des amateurs de fantastique. Précisons que la revue Fiction fut pendant 37 ans l'édition française de la revue littéraire nord-américaine Fantasy & Science Fiction avant de disparaître du paysage éditorial en 1990. Elle a connu sa renaissance en 2005, grâce à un passionné, André-François Ruaud, fondateur de la maison d'édition Les moutons électriques, qui a décidé courageusement de reprendre cette publication.

Au sommaire de ce « tome » (à préférer à numéro) 8, des auteurs de divers horizons comme Paolo Bacigalupi, Anna Feruglio Dal Dan, Kathleen Ann Goonan, Harry Morgan, Jeffrey Ford, Michael Swanwick, Vandana Singh, Timothée Rey... Les deux animateurs des Moutons électriques contribuent à cette livraison par des essais : Raphael Colson, sur le renouvellement de la tradition de la science-fiction critique par des auteurs absolument extérieurs au milieu ; André-François Ruaud, sur le courant actuel d'une fantasy qui plonge dans le conte de fées pour explorer de nouveaux thèmes.

Sous une belle couverture rouge et à rabats signée Antonio Seijas, ce tome 8, qui regroupe plusieurs illustrateurs de talent, bénéficie de magnifiques gravures de Grandville (1803-1847), satiriste et dessinateur aimant par-dessus tout déformer les silhouettes et jouer avec les formes animales. Ces gravures, scannées par l'éditeur à partir d'un exemplaire d'Un autre monde, ouvrage jamais réédité, confèrent un attrait supplémentaire à une revue qui donne autant à lire qu'à voir.

 

Fiction, Les moutons électriques éditeur, 245 rue Paul Bert, 69003 Lyon. 336 pages, 23 €. http://www.moutons-electriques.fr/