mardi, 15 juin 2021
Les Moments littéraires n° 46
Au fil de ses numéros semestriels, la revue de l'écriture intime Les Moments littéraires est décidément passionnante. Alors que Simone de Beauvoir et Sartre ne sont pas ma tasse de thé, j'ai été néanmoins très intéressé par ce numéro spécial Beauvoir, riche d'informations sur la vie littéraire parisienne de l'après-guerre et sur la naissance de l'oeuvre de l'auteure.
Simone de Beauvoir a été toute sa vie une grande diariste, mais de manière intermittente. Deux extraits de son Journal sont reproduits, datant des années 45 et 46. Dans l'euphorie de la Libération et de l'émergence de sa notoriété littéraire, elle prend plaisir à transcrire le foisonnement de son existence et « ce goût pathologique de la vie » qu'elle pense tenir de sa mère. Elle se trouve au centre de ce bouillonnement intellectuel, artistique et politique de Saint-Germain-des-Prés, au milieu d'un tourbillon d'amis et de connaissances. Tous fréquentent le Café de Flore et Les Deux Magots, Beauvoir y travaille, y corrige les épreuves de ses livres, y reçoit ses amis, y vit. C'est leur quartier général. Déjà ils rejettent Camus. « On a parlé de Camus qui ne se décide toujours pas à sortir son livre et Genet a dit, ce qui est très juste : « Ce qu'il y a avec Camus, c'est qu'il croit qu'il est déjà Camus ». Bost est complètement dégoûté de Camus et il a achevé de nous en dégoûter Sartre et moi. »
Elle part pour l'Espagne et le Portugal. Comme elle sort d'une France en ruines, appauvrie, affamée, d'un monde de la rareté où vêtements et aliments sont parcimonieusement limités en échange de tickets, la première chose qui la frappe à Madrid, c'est l'abondance, le luxe oublié des magasins regorgeant de nourritures et de produits. Mais dans les quartiers plus éloignés, elle découvre une grande misère.
Elle parle de certaines filles qui draguent Sartre. « Au lieu de penser qu'un type a toujours un peu envie de baiser une femme jeune et jolie, et que ça ne prouve rien, elles jouent du cul et après ça elles prennent le désir du type pour un amour d'âme. Sartre me fait remarquer que si les hommes se mentent moins touchant les femmes, ils mentent sur leur carrière, leur valeur, etc. C'est juste. Mais ils se mentent, tandis que les femmes sont menties, elles appellent le mensonge de l'homme ; c'est lié à leur situation de dépendance bien sûr. Décidément je voudrais écrire sur les femmes. »
Elle écrira Le Deuxième Sexe, trois ans plus tard.
Dans La Force des Choses, elle évoque à plusieurs reprises Blossom Douthat, une jeune américaine qui, au cours d'un séjour en France, lui écrit et la rencontre. Pleine d'admiration pour Simone de Beauvoir devenue son idole et sa maîtresse à penser, Blossom tiendra un journal de 17 volumes (7000 pages) qu'elle laissera à Beauvoir (qui le juge « extraordinaire et extravagant ») avant de retourner aux États-Unis. Les Moments littéraire en publient l'année 1958.
La revue livre aussi un extrait du Journal de Benoîte Groult, daté de 1964. Sa fille, Blandine de Caunes, souligne dans son introduction que « le journal intime est depuis toujours une tradition familiale chez les Groult. Nicole, ma grand-mère, avait décrété que ses filles avaient deux obligations chaque soir : se laver les dents et écrire leur journal qui, régulièrement, devait lui être lu à haute voix... »
Les Moments littéraires, 16 €, BP 90986, 75829 Paris Cedex 17.
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mardi, 08 juin 2021
Charmes, de Christian Cottet-Emard
Dans une note liminaire à son nouveau roman, Christian Cottet-Emard, que l'on connaît aussi comme poète et chroniqueur, nous livre la genèse de Charmes : « Le don est un mystère qui m'a toujours tourmenté, sans doute parce que j'en suis dépourvu, en particulier de celui qui m'a le plus cruellement manqué, écrire et jouer de la musique. Ce manque étant une de mes hantises les plus lourdes, je m'en suis un peu allégé en inventant cette fable où rôdent les ombres et les esprits de ce qui ne peut trouver ni repos ni fin. »
Passionné de musique mais incapable de la pratiquer, le personnage principal Charles Dautray vit seul, dans sa maison jurassienne où il rédige son journal intime. À la suite de sa rencontre avec la mystérieuse Marina, il se trouve subitement en possession de ce don musical dont il a toujours rêvé. Une carrière de pianiste concertiste s'offre soudain à lui, qu'il mène aidé par son producteur et agent artistique Aaron Jenkins, tandis que le pigiste Antoine Magnard rédige des articles sur ses concerts et les livrets de ses disques.
Le roman se constitue des récits croisés des différents protagonistes, qui forment comme les pièces d'un puzzle. On se déplace à Lyon, Paris, Barcelone, Venise et Lisbonne, on prend quelques détours par Oyonnax et Nantua. L'action progresse vers une fin surprenante.
C'est à la fois un roman très personnel, où l'auteur livre beaucoup de lui-même (sa vie, ses goûts, ses décors...) et un récit fantastique, traversé par le personnage étrange et inquiétant de Marina, avec qui Charles Dautray lie une sorte de pacte faustien. « Il est vrai que je me damnerais bien en échange d'une parcelle d'excellence musicale et du génie qui l'accompagne. »
Cottet-Emard montre une grande connaissance de la musique classique et contemporaine, et une maîtrise dans l'art du dialogue intégré : délaissant le retour à la ligne et le tiret, il introduit les répliques des personnages dans le corps même du texte, qui gagne en fluidité. Le titre Charmes (venant de la villa des Charmes, évoquée dans la deuxième partie du livre) convient bien à ce récit : c'est l'histoire d'une possession, l'histoire d'un vertige.
Charmes, de Christian Cottet-Emard, Orage-Lagune-Express éditeur.
210 pages.
Le lien pour découvrir l'ouvrage :
http://cottetemard.hautetfort.com/archive/2021/06/05/charmes-6320188.html
08:08 Publié dans Lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charmes, christian cottet-emard, orage-lagune-express, roman, musique
mercredi, 03 mars 2021
HERMES BABY
HERMES BABY
ma machine à écrire
La Boucherie littéraire
collection "carné poétique"
Commercialisée dès 1935 par le constructeur suisse Paillard, l'Hermes baby a été la star des machines à écrire portatives du 20e siècle. Avec son poids léger, son faible encombrement, sa ligne élégante, sa coque pratique et solide, elle a supplanté l'Underwood auprès des écrivains nomades et voyageurs. Elle a été l'inséparable compagne des écrivains Hemingway, Kerouac, Ionesco, Max Frisch ou Françoise Sagan. Hermes baby fut une révolution dans l'écriture, "le premier laptop de l'histoire", selon Jacques Perrier, propriétaire du musée de la machine à écrire de Lausanne.
Par ce recueil, j'ai voulu rendre hommage à la machine qui m'a suivi et aidé pendant près de trois décennies, avant l'apparition de l'ordinateur et du traitement de texte. Entre nostalgie et humour, HERMES BABY évoque la vie d'un auteur, ses difficultés avec les éditeurs, ou ses métiers alimentaires.
L'originalité de la collection "carné poétique" des éditions la Boucherie littéraire est d'offrir un livre-objet hybride à mi-chemin entre le carnet blanc et le livre imprimé. L'éditeur Antoine Gallardo précise : "Ainsi, dans le steak de tous les jours, une poésie originale de vingt pages est prise en sandwich entre quarante pages vierges laissées à la création du lecteur."
j'avais autrefois une petite machine
à écrire
portative
qui portait un nom
magnifique
HERMES BABY
je lui avais donné le diminutif
affectueux de
BABY
comme à une petite amie
elle m'a suivi
2 ou 3 décennies
dans tous mes déménagements
parfois même en voyage
elle a connu mes amis
mes amours mes ruptures
et les aléas de ma vie
je lui confiais des textes
dont j'exagérais l'importance
et sur lesquels elle ne portait
aucun jugement de valeur
Le livre est disponible en librairie le 5 mars 2021.
HERMES BABY sur le site de l'éditeur
06:30 Publié dans Mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hermes baby, jean-jacques nuel, la boucherie litteraire, machine à écrire
mercredi, 24 février 2021
Les Moments littéraires n° 45
Après un copieux numéro 43 consacré aux écrivains suisses romans, La revue Les moments littéraires, animée par Gilbert Moreau, poursuit la série des numéros "géographiques" en présentant une riche anthologie des diaristes belges francophones.
Avec une introduction de Marc Quaghebeur (où l'on apprend que les écrits du JE sont désormais appelés des égodocuments), la richesse de l'écrit intime belge apparait au travers des 18 textes sélectionnés. Hormis le journal de Maurice Maeterlinck, tous les extraits sont inédits. On y trouve aussi bien les carnets d'un cinéaste (Luc Dardenne), un journal graphique (Paul Mahoux), un journal daté (Henry Bauchau) ou sans date (Caroline Lamarche), et d'autres écrits comme ceux de Luc Delisse, Marc Dugardin, Lydia Flem, Jean-Luc Outers... Ces fragments couvrent près d'un siècle et demi et relèvent de types variés. "On y trouve même des écrits que l'on pourrait qualifier d'a posteriori, qui empruntent la forme du journal et sont clairement composés pour des tiers. Laurent Demoulin évoque ainsi la différence de sa contribution avec le "journal vrai", qui relève de l'infigurable et de l'intransmissible." (Marc Quaghebeur)
La revue Les Moments littéraires comme l'APA (Actualités du Patrimoine Autobiographique) oeuvrent pour la valorisation et la conservation de l'écrit intime, dont la forme la plus courante est le journal.
Les Moments littéraires n°45. 250 pages.
16 € pour la France, 26 € pour l'étranger (frais de port inclus)
https://lesmomentslitteraires.fr
20:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 04 février 2021
Mémoire cash (dossier critique)
Le recueil de poèmes Mémoire cash est paru à l'automne 2020 chez l'éditeur Gros Textes.
Plusieurs articles lui ont été consacrés.
Une chronique de Christian Cottet-Emard.
Une chronique de Jean-Pierre Longre.
Une chronique de Christophe Stolowicki.
Une chronique de Denis Billamboz.
Une chronique de Patrice Maltaverne.
Un article de Jacques Morin, dans la revue Décharge
Pour se procurer Mémoire cash.
10:52 | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 26 novembre 2020
Chassez le mégalo... (dossier critique)
Depuis sa parution en août 2020, le recueil d'aphorismes "Chassez le mégalo, il revient à vélo", publié par Cactus Inébranlable, a été l'objet de plusieurs articles critiques (certains mentionnant aussi le précédent "Journal d'un mégalo" paru en 2018 aux mêmes éditions).
Un article de Christian Cottet-Emard
Un article de Jean-Pierre Longre
Un article de François-Xavier Farine
11:21 Publié dans Mes publications | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : journal d'un mégalo, chassez le mégalo il revient à vélo, cactus inébranlable, jean-jacques nuel
lundi, 16 novembre 2020
Mémoire cash
Vient de paraître :
Mémoire cash
(poésies)
éditions Gros Textes
la qualité du café s’est nettement
améliorée
dans les stations d’autoroute
depuis ces années lointaines
où il n’était qu’un breuvage acide
et infect
sur l’écran tactile du distributeur
tu choisis un expresso
pur arabica sans sucre
insères une pièce de 2 euros
et récupères la monnaie
tu bois ton café brûlant
debout devant une table haute
les yeux perdus sur le parking désert
en songeant à tout ce chemin
parcouru
et au peu qu’il te reste
à faire
Disponible sur le site de l'éditeur
ou me contacter pour un exemplaire dédicacé.
Un recueil de 84 pages, format 14 x 20 cm
10 € + 3, 50 € de port.
21:29 Publié dans Mes publications | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, gros textes, mémoire cash, jean-jacques nuel