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samedi, 09 février 2008

Les langues

A force de travail, et surtout de persévérance, il avait réussi à écrire une œuvre et, progressivement, à la faire éditer. Le succès était venu, d'abord timide et relatif, puis consolidé, irradiant dans les pays voisins de la sphère linguistique.

L'écrivain était maintenant connu. Son nom figurait dans les divers recensements et catalogues officiels. Ses livres se vendaient bien. Les sorties en poche prolongeaient le succès des éditions originales. On commençait, lentement mais sûrement, à traduire ses œuvres dans un nombre de langues croissant.

Mais un bonheur n'est jamais complet et celui-là l'était moins que tout autre. L'auteur s'exprimait dans un idiome partagé, pays natal et francophones confondus, par seulement trois pour cent de la planète. Cela le chagrinait. Certes, ce n'était pas négligeable, et il aurait pu connaître un sort plus défavorable en écrivant en islandais ou en albanais, langues plus minoritaires. Inversement, il aurait pu être plus favorisé comme le sont les Anglais ou les Chinois.

Aucune langue n'offrait une couverture complète du globe. L'écrivain enviait parfois ces langages apparemment universels que sont la musique et la peinture, mais le sont-ils vraiment ? Il écrivait pour un public limité et jamais son œuvre ne serait traduite en toutes les langues. Il y avait trop de langues. Il y avait trop peu de traducteurs.

Assis devant un bock de bière, à la terrasse d'un café de sa ville natale où beaucoup ne le connaissaient ou reconnaissaient même pas, il songeait à ces milliards d'hommes avec lesquels il ne pouvait pas communiquer. Il n'y avait rien à faire. L'écriture ne le mènerait pas jusqu'à ces hauteurs où planaient ses rêves fous. La dispersion des langues, leur éparpillement rendaient vain tout rêve d'universel.

Les langues ne sont que de pauvres véhicules, qui n'assurent pas la desserte complète de la terre. Elles tournent dans leur territoire, un peu sur les franges, guère au-delà. Elles ont une autre espérance de vie que la nôtre, elles dépassent notre durée, venant d'avant nous et nous survivant, mais elles meurent aussi, et toutes les œuvres qui ne sont déjà plus que des souvenirs ne seront alors plus même des souvenirs, elles auront sombré, corps et biens, dans la mort définitive des mots que l'on ne déchiffrera plus, dans cette alignée de signes muets, stupides. Les œuvres prolongent un peu nos vies mais sont aussi de passage. Les ouvrages sont peu de chose. La littérature occupe un faible volume dans l'espace, et il n'est que provisoire. Les mots ne sont rien. Ils n'ont pas de mémoire. Finalement on écrivait comme on vivait, sur du vent, sur de l'eau, sur de l'air.

 

(texte publié dans le recueil La gare, Orage-Lagune-Express, 2000 ; dans Portraits d'écrivains, Editinter, 2002)

lundi, 28 janvier 2008

Les "Mémoires" de Bernard Lavilliers

Bernard Lavilliers surpris en flagrant délit de plagiat, ce n'est pas la première fois.

Voir l'article révélateur du journal suisse Le Temps :

http://www.letemps.ch/template/culture.asp?page=10&ar...

 

jeudi, 24 janvier 2008

Mercure, une nouvelle revue

Naissance d'une nouvelle revue, dirigée par Anthony Dufraisse : Mercure, les médias autrement.

(Je lui consacrerai prochainement une chronique dans La Presse Littéraire.)

 

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Sommaire :

POSITIONS
Christian Ruby, Vladimir Bertrand : Qu’est-ce qui nous regarde ? (I)
Jacques Attali : Penser labyrinthe.
Manuel de Dieguez : Internet et la nouvelle élite mondiale.
Claude Régy : Des médias au médiat.
Didier Nordon : L’information est une désinformation.
Vangelis Athanassopoulos : Notes sur l’artiste médiatique.

SITUATIONS
Fatima Ait Bounoua : Beurettes sur le net.
Rodolphe Adam : Malaise dans l’e-culture.
Daniel Sibony : Les enfants devant la télé.
Cyril Thomas, entretien avec Agnès de Cayeux : Expériences d’intrusion.

RADIOGRAPHIE
Gil Jouanard : Radio, art de l’intime.
Olivier Pascault : Émission(s) philosophique(s), suivi de : Jaspers, Adorno, Anders... Des philosophes allemands sur les ondes.

FIGURES LIBRES
Franck Derex : Dernière édition de l’homme.
Jacques Rigaud : Monsieur l’Intran.
Christian Cottet-Emard : Souvenirs d’un localier.

Abonnement à MERCURE :
Mercure paraît quatre fois par an. Pour toute correspondance : revuemercure@free.fr
Abonnement pour 1 an (4 numéros) : 35 euros.

Abonnement de soutien : montant libre.
Prix d’un numéro : 10 euros.
Règlements à établir par chèque à l’ordre de l’Association Mercure et à adresser à Anthony Dufraisse, 14 avenue Foch, 95100 Argenteuil.

 

mardi, 08 janvier 2008

Louisa Siefert (1845 – 1877)

Née à Lyon le 1er août 1845, d’un père allemand et d’une mère suisse, Louisa Siefert connut une vie brève et triste, assombrie par plusieurs déceptions amoureuses. Elle fut l’amie de Charles Asselineau, qui lui prodigua des conseils littéraires.

Œuvres publiées :
Rayons perdus, Lemerre, 1868
L’année républicaine, Lemerre, 1869
Les Stoïques, Lemerre, 1870
Les Saintes Colères, Lemerre, 1871

Ses poésies posthumes, recueillies et précédées d’une longue notice par sa mère, ont paru chez l’éditeur Fischbacher.

« Louisa Siefert a porté à sa perfection cette poésie du cœur déçu et douloureux dont Mmes Desbordes-Valmore et Blanchecotte avaient déjà su exprimer de si profonds accents. Il était réservé à cette frêle jeune fille de dire de la manière la plus juste et la plus complète ce que la femme peut souffrir par l'amour. C'est donc encore une poésie purement sentimentale que nous offre Louisa Siefert, mais l'expression de cette poésie a acquis dans ses mains une précision, une netteté, un réalisme auquel le mouvement naturaliste a beaucoup contribué. Louisa Siefert est née à Lyon en 1845. Elle fut toute sa vie maladive. La phtisie s'était attaquée de bonne heure à sa faible constitution. Comme toutes les natures frêles, comme tous les êtres voués à la terrible maladie de poitrine, elle était d'un tempérament ardent, d'un caractère fait pour aimer, d'une âme désireuse de tendresse. [...] La pauvre Louisa Siefert traîna toute sa vie la douleur toujours saignante de son amour trompé, et si ce fut un tourment pour cette nature inquiète, ce fut un bonheur pour la poésie française, qui doit à la crise passionnelle de Louisa Siefert, quelques-uns de ses plus beaux vers d'amour. »
Irène Chichmanoff, Etude critique sur les femmes poètes en France au XIXe siècle, 1910

*

Quand je pense à ma vie, un grand ennui me prend
Et j’ai pitié de voir ma jeune destinée
S’effeuiller, solitaire, année après année,
Comme une fleur des eaux qu’emporte le courant.

Je ne m’en émeus plus, ni trop ne m’en étonne,
Car je sais quels débris roulent les plus purs flots,
Et dans un même accord quels déchirants sanglots
Ils mêlent si souvent à leur chant monotone.

C’est la loi de tout être et j’y cède à mon tour,
Honteuse seulement qu’à tant de fier courage
S’offrent, toujours pareils, l’écueil et le naufrage,
Et sans comprendre mieux qu’on survive à l’amour.

Quand le vent de sa tige a détaché la fleur,
Elle suit quelque temps le torrent qui la berce ;
Sa coupe de parfums au soleil se renverse
Et la fraîcheur de l’onde avive sa couleur.

Le voyageur lassé, l’oiseau dont l’aile plie,
Demandent : Où va-t-elle ? Et l’appellent du bord,
Tandis qu’elle descend tranquille et sans effort
Vers la rive où tout meurt, dans l’ombre où tout s’oublie.

In Poésies inédites, 1881

samedi, 22 décembre 2007

Un homme qui dort

34bc324ec40ae56bfb56cdd262f0d5b9.jpgUn  évènement dans le monde cinématographique et littéraire : la sortie en DVD  (décembre 2007) du film de Georges Perec et Bernard Queysanne.

 

Sorti en 1974, le film Un homme qui dort obtient le prix Jean Vigo et reste six mois à l’affiche de la seule salle parisienne qui le programme. Il ressort en salles en 1990 puis est diffusé à la télévision (Arte) en 1999.

L’argument : un étudiant parisien refuse de continuer ses études et choisit de vivre au point mort, dans sa chambre minuscule. Le film est le journal précis de cette contestation radicale de la société, un voyage de l’indifférence à l’angoisse, jusqu’au retour douloureux sur la terre des vivants.

Après deux ans passés à écumer les productions, l’obtention d’une avance sur recettes minimale de 150 000 francs, et la complicité d’un ami tunisien, Noureddine Mechri, qui fournit laboratoire, montage et sonorisation, Perec et Queysane tournent en 1973 le film en noir et blanc, sans vedette (le seul acteur en est Jacques Spiesser), un défilé d’images oniriques parcouru d’une voix-off. Le texte est adapté du propre roman originel de Perec, qui présente ainsi la version filmée : « un seul personnage, aucune histoire, aucune péripétie, aucun dialogue, mais seulement un texte lu par une voix-off… »

Le coffret contient un livret du texte intégral de Perec et deux disques : sur le premier on découvre le film en version originale française avec la voix de Ludmila Mikaël, ainsi que les versions américaine, allemande et espagnole, et la bande-annonce originale. Le disque 2 offre deux documentaires de Bernard Queysanne autour de l’œuvre et de la personnalité de Perec, comprenant notamment des témoignages d’amis et de traducteurs.

 

 

Un homme qui dort, de Georges Perec et Bernard Queysanne, DVD double, éditions La vie est belle.

 

mardi, 18 décembre 2007

Affaire Peter Handke : condamnation du Nouvel Obs

Puisque les grands médias n’y font guère allusion, il est bon d’en parler et d’en reparler : Le Nouvel Observateur a été jugé coupable de diffamation envers le dramaturge autrichien Peter Handke, par jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 3 décembre 2007.

On se souvient de cette regrettable affaire, dont il a été rendu compte ici-même, par note du 4 juin 2006. A la suite d’un article tendancieux du Nouvel Obs, l’administrateur de la Comédie-Française, Marcel Bozonnet, avait déprogrammé une pièce de Handke.

Le dramaturge a poursuivi l’hebdomadaire pour « deux imputations diffamatoires, celle d’avoir une position révisionniste et celle d’approuver le massacre de Srebrenica et d’autres crimes de purification ethnique ». Sur le premier point, le tribunal a estimé que le terme de « révisionnisme » avait été utilisé dans le sens de remise en cause d’une doctrine, et donc sans lien avec les crimes condamnés par le tribunal de Nuremberg.

En revanche, la deuxième imputation est bien jugée « contraire à l’honneur ». Le tribunal a rejeté l’excuse de la bonne foi, car « la journaliste ne pouvait affirmer, sur la seule base de la présence, incontestée, de Peter Handke aux obsèques de Slobodan Milosevic, que celui-là approuvait les massacres reprochés à celui-ci ».

Satisfaction morale donc, pour Peter Handke, à défaut de réparation du tort causé par un acharnement médiatique : le Nouvel Obs est condamné au paiement d’un euro de dommages et intérêts, et des 2500 euros de frais de justice.

 

lundi, 17 décembre 2007

Trois ans déjà !

 

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Le blog littéraire L’annexe est né le 17 décembre 2004. Pour retrouver quel était son aspect à ses débuts (du moins les fichiers textes, car la mise en page n'est pas toujours conservée), il est possible de le consulter sur Archive.org, à l'adresse suivante :

 

http://web.archive.org/web/20050109091051/http://nuel.hau...

 

Archive.org a archivé près de 86 milliards de pages, correspondant à 65 millions de sites web, en 37 langues. Sa base de données pèse près de 2 pétaoctets (non, ce n’est pas une incongruité), soit 2 millions de gigaoctets, l’équivalent de deux cents fois le contenu de la Bibliothèque du Congrès américain.